Marc Alpozzo
philosophe et essayiste
Sandrine Rousseau (Photo Berzane Nasser/ABACA) |
De l’« homme enceint » à l’« androcène », en passant par l’écoféminisme et le cyberharcèlement, sans compter les polémiques autour du « barbecue comme symbole de virilité », on trouve aujourd’hui, au milieu de la grisaille de notre époque, de quoi s’étonner, voire s’inquiéter du niveau du débat politique désormais. Certes, Sandrine Rousseau n’est pas l’égale de son avatar Sardine Ruisseau, sorte de parodie tweetesque sur Tweeter, même si Sardine fait franchement rire, alors que Sandrine n’arrive même plus à nous faire pleurer.
Nous ne dirons jamais assez que la politique est devenue aujourd’hui un pur spectacle, pour le buzz sur les réseaux sociaux et les vaines polémiques. Sandrine Rousseau, encore inconnue, cinq ans plus tôt, est devenue la nouvelle comique, sorte de bouffon du roi, ou plutôt non, je devrais dire bouffonne du roi, bateleuse, amuseuse, cabotine, matassine, pantine, comique.e (ne jamais oublier l’écriture inclusive, ne jamais oublier l’écriture inclusive, ne jamais oublier l’écriture inclusive…)
Sandrine Rousseau a du génie
Alors disons-le, si Sandrine Rousseau n’a peut-être pas beaucoup de talent pour la vraie politique, elle a en revanche du génie lorsqu’il s’agit de faire parler de sa personne, et dans certains milieux, on va même jusqu’à la comparer à Éric Zemmour ; elle serait donc une Zemmour de gauche ! Rien que ça !
À propos de la députée Europe Écologie-Les Verts (EELV) de Paris, le philosophe de gauche Michel Onfray n’hésite même plus à dire : « C’est un délire cette femme, je me demande comment on peut créer autant de sottises régulièrement. » On pouffe. Or, que dire de tels propos, sinon qu’ils sont exacts, intacts, surtout devant une telle m’as-tu-vu, une telle folâtre ? Voilà que le ton est donné, mais ce n’est pas non plus excessif, tant Sandrine Rousseau marche sur l’eau, vole dans les airs, guérit les lépreux, redonne la vue aux aveugles, et chasse, bien sûr, les marchands du Temple, qui ne sont autres que ces représentants du patriarcat, vieux mâles blancs dominants, et redevables de tous les malheurs du monde, même les tempêtes, les tsunamis, les tremblements de terre, et évidemment le réchauffement climatique.
Les hommes, des bouc-émissaires
Bientôt responsables de la fin du monde, les mâles sont de merveilleux boucs-émissaires, sous les coups de boutoir de Sandrine Rousseau. Oui, vous l’avez bien compris, Sandrine Rousseau se prend pour Jésus, elle se prend pour le Christ, mais bien sûr, le Christ 1.0, autrement dit la Christe, avec un e, prière de ne pas oublier l’écriture inclusive, Messieurs !
Et, vous l’avez tout autant compris, cette tribune ne sera pas tendre avec cette nouvelle figure de la bien-pensance féministe, et de la novlangue de ce début de siècle, tant celle-ci agite des chiffons rouges partout, en prétendant attaquer la phallocratie et la misogynie, qu’elle accuse d’écraser le nouveau grand combat néoféministe.
C’est pourtant sans haine qu’il me faudra écrire cet article, moins pour arrêter Sandrine Rousseau que rien n’arrête dans la mauvaise foi et le besoin de faire parler de soi, que pour retrouver un commencement d’esprit critique, et par besoin d’y voir plus clair. D’autant qu’une foultitude de questions peut d’emblée se poser. En commençant par celle de la rationalité, celle de la puissance, et celle du pouvoir.
Celle de la rationalité d’abord. Lorsque Michel Onfray accuse indirectement Sandrine Rousseau d’avoir trois neurones, c’est finalement moins d’un défaut d’intelligence dont la dame verte souffre, que d’une déficience de rationalité. Et si la députée dans la 9e circonscription de Paris déclenche autant de polémiques, comptons moins sur le bon sens de ses déclarations que sur leurs excès, largement voulus et réfléchis.
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