Nico Naf
Il n’y a aucune justification économique à réformer les retraites. Et pourtant, Emmanuel Macron a abandonné sa réforme systémique à points pour se diriger vers un changement paramétrique du système actuel en reculant l’âge légal à 65 ans. Le système de retraite a engendré un excédent de 900 millions d’euros en 2021 et affichera un surplus de 3 milliards cette année. Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a envisagé plusieurs scénarios dont certains donnant un système à l'équilibre autour des années 2030. Pas réputé pour être progressiste, le COR considère que la réforme des retraites envisagée par Emmanuel Macron n’est ni urgente, ni essentielle.
Les raisons sont à chercher ailleurs :
- Tout d’abord, il y a la justification budgétaire. Macron veut favoriser le capital par la baisse des impôts de production (CVAE et CFE), et comme ce dernier ne veut plus et ne peut plus se permettre de créer de l’endettement à cause de la remontée des taux directeurs, il va chercher l’argent des baisses d’impôts en réformant les retraites.
- Ensuite, il y a forcément le biais idéologique. Pour les néolibéraux, il faut absolument baisser les dépenses publiques et notamment les dépenses sociales qui sont le mal absolu par excellence. Les retraites ne sont pas les seules dépenses dans le viseur, il y a également les indemnités chômage et le RSA qui devraient être diminuées. À terme est envisagé la retraite par capitalisation pour compenser la faiblesse des futures retraites. Les fonds de pension se frottent déjà les mains à l’idée de mettre la main sur le pactole.
- Il s’agit également d’une commande européenne. En effet, la réforme fait partie des recommandations de la Commission européenne et du Conseil européen. On la retrouve dans les Grandes orientations des politiques économiques (GOPE). L'enjeu est de tenir à 0,6% la hausse annuelle des dépenses publiques, comme le gouvernement l'a promis à Bruxelles en juillet dernier dans son programme de stabilité. Il s’agit également de nous rapprocher de nos voisins allemands et scandinaves où l’âge légal de la retraite est désormais fixé à 66 ou 67 ans. Ceux qui croient encore aux promesses d’une Europe sociale doivent comprendre que l’UE ne rime et ne rimera qu’avec néolibéralisme et marchés financiers. Seule la rupture avec les traités européens peut nous permettre de renouer avec des politiques sociales.
- Et dernier point et pas des moindres, c’est l’aspect politique. Emmanuel Macron veut faire sa réforme des retraites comme tous ses prédécesseurs depuis Jacques Chirac. Il s’en fiche que le système des retraites soit à l’équilibre et qu’on n'ait pas besoin de reculer l’âge de la retraite, il veut voir son nom figurer dans les livres d’histoire comme celui d’un grand réformateur à l’image d’une Margaret Thatcher au Royaume-Uni ou d’un Gerhard Schröder en Allemagne, devenant ainsi celui qui aurait réussi où ses prédécesseurs ont échoué, à transformer l’irréformable France en lui imposant enfin le modèle néolibéral que nos concitoyens ont tant refusé. L’épisode « Quoi qu’il en coûte » étant terminé, Macron peut reprendre son plan initial : loi Travail pour faciliter les licenciements et uberiser le salariat, réformes de l’assurance chômage pour contrôler les chômeurs et baisser les indemnités, diminution des cotisations sociales et des impôts sur le capital concernant les ménages et les entreprises pour attirer les investissements étrangers, conditionnement du RSA à des activités professionnelles afin d’inciter les bénéficiaires à prendre des jobs précaires, transformation de l’éducation nationale sur le modèle de l’hôpital public pour augmenter sa rentabilité et donc la réforme des retraites avec le recul de l’âge légal à 65 ans.
Il y aurait tant à dire que ces lignes ne pourront pas totalement exprimer. Car s’il y a bien une chose à comprendre, c’est que la réforme des retraites est avant tout un CHOIX POLITIQUE plus qu’une obligation économique. Il existe bien des alternatives à cette réforme. Ainsi, bien au contraire, nous devrions consacrer plus d’argent aux retraites, notamment en considérant que les premiers de corvées, dont l’utilité des métiers a été démontrée durant la crise sanitaire, pourraient bénéficier d’une retraite anticipée, et ce même avant 60 ans. Ce serait largement faisable que ce soit en augmentant les cotisations, en taxant davantage le capital... Sans oublier qu’un Etat a toujours les moyens de trouver les financements nécessaires (bien qu’il serait plus judicieux de mobiliser ces financements pour les investissements publics nécessaires à la transition écologique et aux services publics).
En fait, cette réforme des retraites sert seulement l’ego démesuré d’un président narcissique et les intérêts d’une caste dominante de vieux réactionnaires et de possédants qui veulent faire trimer et souffrir les classes populaires et les jeunes générations.
A nous, le peuple, d’exprimer notre désaccord et notre mécontentement par rapport à cette réforme. Macron et Borne n’ont pas la majorité absolue, ils ne peuvent pas se permettre de l’imposer par la force, ils manœuvrent en eaux troubles. La dissolution est seulement une menace qu’agite le président, le rapport de force est en notre faveur et celle de l’opposition. Tous unis contre ce gouvernement, nous avons les moyens de les empêcher d’agir et de mettre en œuvre cette réforme des retraites.