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Ainsi donc, la déconfiture du cinéma français continue de plus belle. Il y a quelques années, le producteur Vincent Maraval déclenchait une crise au sein du petit monde cinématographique français en avouant tout haut ce que tout le monde savait sans vouloir l’admettre, à savoir que la production française recouvre une quantité invraisemblable de merdes soporifiques et distribue pourtant des cachets stratosphériques à des acteurs en récompense d’une prestation rarement à la hauteur.
Quelques mois plus tard et en réponse, le CNC faisait mine d’encadrer les rémunérations des stars, ce qui ne changea en réalité à peu près rien. Depuis, les navets et les crises du cinéma mondial en général et français en particulier se sont multipliés, à commencer par celle de la fréquentation : depuis les fastes années 50 où le Français moyen pouvait voir plus de 8 films par an au cinéma, la fréquentation n’a cessé de baisser pour atteindre trois films annuels en 2015 et sur les dernières années, c’est un véritable effondrement avec une disparition de plus de 34% des places prises.
Alors oui, bien sûr, l’arrivée des plateformes de film en ligne a changé la donne : il n’est plus nécessaire d’aller dans des salles souvent loin de chez soi pour voir une nouveauté et le confort douillet de son foyer représente bien des avantages en ces temps de misère planifiée sobriété choisie : pas besoin de prendre sa voiture (c’est plus éco-conscient, ma brave dame) ou les transports en commun (pas toujours propres, disponibles et sûrs), aucune tentation de dépenser 30€ dans un paquet de chips et deux canettes de soda, et pas de surprises enrichissantes en cours de séance.
Cependant, si le streaming explique ce qui remplace de plus en plus le déplacement des Français dans les salles obscures, le premier argument évoqué pour l’abandon des cinémas est surtout celui du prix : pour la plupart des Français, les places sont trop chères.
C’est, du reste, la conclusion qu’a récemment tirée Kad Merad lors d’un entretien sur RMC : pour lui, le prix de la place, trop élevé pour les familles moyennes, justifie la désertion que les salles constatent actuellement.
De la même façon, on notera la tirade d’Agnès Jaoui lors d’une réunion extraordinaire des professionnels du cinéma (réalisateurs, producteurs, acteurs, techniciens, exploitants) qui voit la nécessité d' « états généraux du cinéma », un peu à la manière de ces conseils nationaux aux noms ronflants dont nous gargarise Macron et ses troupes à chaque crise qu’il nous distribue comme autant de saucisses industrielles.
Pour l’actrice-réalisatrice qui évoque sans surprise l’inévitable « exception culturelle française que le monde entier nous envie » (ben tiens) et qui dresse elle aussi le constat de l’abandon des cinémas par les Français, il faudrait que les artistes racontent de belles histoires (la période serait propice, semble-t-il) et – pour ne surtout pas oublier les revendications syndicalo-marxistes habituelles en France – il semble nécessaire d’envisager une redistribution plus intéressante des profits des plateformes de streaming pour le petit peuple du cinéma. Le seul marché ne peut y faire, que voulez-vous.
Pour cela, quoi de mieux que de faire appel aux pouvoirs publics, apparemment seuls capables de résoudre le douloureux problème qui se présente à toute la profession ?
Tout ceci est fort touchant.
Et hypocrite à deux titres : d’une part, lorsqu’on se rappelle les réactions épidermiques contre Netflix et les plateformes de streaming il n’y a pas dix ans (à présent qu’elles participent directement à une part croissante des financements de films, il n’est plus temps de cracher dessus) et d’autre part en réclamant une intervention (une autre) des pouvoirs publics pour les protéger de la concurrence, celle-là même qui est pourtant louangée dans tant de productions françaises sous le nom de « diversité » et de « différence enrichissante ».
Du reste, comme Kad Merad, Agnès Jaoui et tant d’autres avec elle ne semblent absolument pas prêts à revoir leurs émoluments qui forment pourtant une bonne partie de la structure des coûts des productions françaises et, par là même, des coûts des places de cinéma que les Français rechignent à payer maintenant que l’inflation et la récession s’installent.
Pire encore : il ne leur vient même pas à l’esprit qu’à force de cracher sur leur clientèle – que ce soit les Gilets jaunes dont ils se moquent parfois sans subtilité ou les non-vaccinés qu’ils insultent parfois copieusement sans comprendre que la plupart des vaccinés l’ont été contraints et forcés, qu’à force de sombrer dans le wokisme le plus débridé ou de se vautrer dans un entre-soi écœurant lors de festivals de plus en plus déconnectés des réalités de leur public, bref à force de s’en éloigner, le public ne veut plus payer pour les voir.
Et tout ceci intervient alors même que les ressources des chaînes de télé, celles-là même qui abondent et pas qu’un peu à la production cinématographique française, vont devoir s’habituer à la disparition de la redevance, ce qui, contrairement à ce que veulent faire croire les nigauds à la sauce Télérama, signifie essentiellement que Bercy financera directement France Télévision.
Autrement dit, il ne fait nul doute que les budgets – notamment des émissions et films qui distribuent la bonne propag information – vont exploser à la hausse et que les films réellement innovants et indépendants de la doxa officielle ne trouveront pas de financement. En somme, alors même que les Français reprochaient au monde du cinéma de ne plus se parler qu’à lui-même au lieu de se tourner vers son public, tout indique qu’on va accélérer ce mouvement en poussant la consanguinité, l’autocensure et l’entre-soi à des niveaux jamais atteints.
Ce n’est même pas un pari hasardeux tant la réalité dépasse déjà l’affliction : non content de baigner dans un politiquement correct nécrosant, le cinéma français va devoir faire aussi son amende carbone honorable en fournissant le « bilan-carbone » des tournages afin de pouvoir prétendre aux aides publiques sans lesquelles ils ne pourront rien…
Forcément, ça va super-bien marcher.