- 31/10/2022 -
Interdictions préfectorales et répression féroce n’ont pas pu empêcher les opposants aux bassines de se mobiliser dans les Deux-Sèvres ce weekend. Ils refusent l’« accaparement de l’eau » incarné dans ces projets de retenues géantes.
Sainte-Soline (Deux-Sèvres), reportage
Samedi après-midi, des milliers d’agriculteurs et militants écologistes ont manifesté contre le chantier de la « mégabassine » de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Largement médiatisé, l’événement marque un tournant dans la mobilisation débutée l’année dernière contre ces réserves d’eau construites afin d’irriguer les grandes exploitations agricoles.
1 700 gendarmes et 7 hélicoptères ont été mobilisés pour stopper une manifestation interdite par la préfecture en début de semaine dernière. D’une ampleur inédite, la répression policière n’a pas pu empêcher les manifestants de pénétrer sur le chantier.
L’action a commencé mardi 25 octobre, lorsqu’une quarantaine de personnes se sont installées à quelques kilomètres du chantier, en vue de préparer la marche annoncée pour le 28 octobre. Au même moment, la préfète des Deux-Sèvres Emmanuelle Dubée annonçait une interdiction de manifester autour d’un périmètre englobant dix communes autour du site. Le jeudi soir, les pelleteuses abandonnaient le chantier en prévision de la manifestation.
Mêlant les militants des Soulèvements de la Terre, de Bassines non merci (qui regroupe 150 collectifs) et de la Confédération paysanne, l’organisation a pu installer le campement sans encombre. Et pour cause : il se situe sur les terres d’un paysan, ancien adhérent à la coopérative de l’eau à l’origine des mégabassines, Philippe Béguin. Ex-cultivateur de maïs, il s’est désormais reconverti par conviction dans la culture de blé à sec. Il a d’ailleurs réservé le terrain en question pour accueillir la présence d’une espèce protégée, l’outarde canepetière, de mai à septembre. Dès vendredi soir, près de 2 000 personnes étaient déjà arrivées pour la manifestation prévue le lendemain.
Interdictions préfectorales et répression féroce n’ont pas pu empêcher les opposants aux bassines de se mobiliser dans les Deux-Sèvres ce weekend. Ils refusent l’« accaparement de l’eau » incarné dans ces projets de retenues géantes.
Sainte-Soline (Deux-Sèvres), reportage
Samedi après-midi, des milliers d’agriculteurs et militants écologistes ont manifesté contre le chantier de la « mégabassine » de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Largement médiatisé, l’événement marque un tournant dans la mobilisation débutée l’année dernière contre ces réserves d’eau construites afin d’irriguer les grandes exploitations agricoles.
1 700 gendarmes et 7 hélicoptères ont été mobilisés pour stopper une manifestation interdite par la préfecture en début de semaine dernière. D’une ampleur inédite, la répression policière n’a pas pu empêcher les manifestants de pénétrer sur le chantier.
Plusieurs milliers de personnes ont passé le weekend dans un camp organisé sur le champ d’un agriculteur opposé aux bassines. © Marius Jouanny / Reporterre
L’action a commencé mardi 25 octobre, lorsqu’une quarantaine de personnes se sont installées à quelques kilomètres du chantier, en vue de préparer la marche annoncée pour le 28 octobre. Au même moment, la préfète des Deux-Sèvres Emmanuelle Dubée annonçait une interdiction de manifester autour d’un périmètre englobant dix communes autour du site. Le jeudi soir, les pelleteuses abandonnaient le chantier en prévision de la manifestation.
Mêlant les militants des Soulèvements de la Terre, de Bassines non merci (qui regroupe 150 collectifs) et de la Confédération paysanne, l’organisation a pu installer le campement sans encombre. Et pour cause : il se situe sur les terres d’un paysan, ancien adhérent à la coopérative de l’eau à l’origine des mégabassines, Philippe Béguin. Ex-cultivateur de maïs, il s’est désormais reconverti par conviction dans la culture de blé à sec. Il a d’ailleurs réservé le terrain en question pour accueillir la présence d’une espèce protégée, l’outarde canepetière, de mai à septembre. Dès vendredi soir, près de 2 000 personnes étaient déjà arrivées pour la manifestation prévue le lendemain.
De nombreuses organisations de gauche, syndicats et collectifs ont fait le déplacement. © Marius Jouanny / Reporterre
Quelle est leur cible ? Un trou de 16 hectares qui a été creusé depuis un mois près de Sainte-Soline afin d’abriter la plus grande bassine d’eau du territoire français, financée à plus de 70 % par de l’argent public. Elle servira à douze exploitants agricoles, « dont aucun ne s’est engagé à réduire l’utilisation de pesticides », précise Lena, militante à Youth for Climate et aux Soulèvements de la Terre. Originaire de Nantes, elle rappelle que la lutte contre les mégabassines « n’est pas un combat des écolos contre les agriculteurs, puisqu’on se bat auprès des paysans ». D’autant plus que depuis le début de la mobilisation en 2021, ajoute-t-elle, plusieurs associations environnementales se sont retirées du protocole statuant la construction de ces réserves défendue par la coopérative de l’eau et la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles).
Il est prévu que seize mégabassines soient construites dans la région avec pour objectif la retenue de 14 millions de m³ d’eau, venant s’ajouter aux cinquantaines de réserves d’eau déjà construites principalement en Vendée et dans l’Est. Les activistes présents à Sainte-Soline ce week-end n’ont cessé de contester ces projets par différentes actions dont celle du 9 août dernier, durant laquelle deux mégabassines à Nalliers et Pouillé ont été vandalisées. Une décision judiciaire a quant à elle déclaré illégale en mai dernier l’exploitation de cinq mégabassines en Charente-Maritime.
Quelle est leur cible ? Un trou de 16 hectares qui a été creusé depuis un mois près de Sainte-Soline afin d’abriter la plus grande bassine d’eau du territoire français, financée à plus de 70 % par de l’argent public. Elle servira à douze exploitants agricoles, « dont aucun ne s’est engagé à réduire l’utilisation de pesticides », précise Lena, militante à Youth for Climate et aux Soulèvements de la Terre. Originaire de Nantes, elle rappelle que la lutte contre les mégabassines « n’est pas un combat des écolos contre les agriculteurs, puisqu’on se bat auprès des paysans ». D’autant plus que depuis le début de la mobilisation en 2021, ajoute-t-elle, plusieurs associations environnementales se sont retirées du protocole statuant la construction de ces réserves défendue par la coopérative de l’eau et la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles).
Il est prévu que seize mégabassines soient construites dans la région avec pour objectif la retenue de 14 millions de m³ d’eau, venant s’ajouter aux cinquantaines de réserves d’eau déjà construites principalement en Vendée et dans l’Est. Les activistes présents à Sainte-Soline ce week-end n’ont cessé de contester ces projets par différentes actions dont celle du 9 août dernier, durant laquelle deux mégabassines à Nalliers et Pouillé ont été vandalisées. Une décision judiciaire a quant à elle déclaré illégale en mai dernier l’exploitation de cinq mégabassines en Charente-Maritime.
Le porte-parole de la Confédération paysanne a dénoncé l’accaparement de l’eau réalisé par les bassines. © Marius Jouanny / Reporterre
Pendant tout le week-end, la vie a battu son plein sur le camp des opposants au projet. La foule se répartit à l’accueil, la buvette et la cantine autogérée. Entre des concerts punks et une balade ornithologique, une conférence de presse est organisée sous le grand chapiteau. Nicolas Girod, porte-parole de la confédération paysanne, y dénonce une pratique d’accaparement de l’eau par l’agro-industrie. Pour faire face aux sécheresses de plus en plus fréquentes, il faudrait selon lui changer de modèle agricole. Abandonner la logique productiviste des fermes-usines rendrait l’utilisation de réserves d’eau inutile, puisque les petites exploitations jouissent d’un pouvoir de captage de l’eau assez important pour s’en passer.
Des figures issues des partis de gauche sont présents, parmi lesquels Sandrine Rousseau, Philippe Poutou et Yannick Jadot. Ce dernier a été copieusement hué lors de sa prise de parole devant les activistes, tandis que sa voiture a été taguée d’un « crevure ».
Pendant tout le week-end, la vie a battu son plein sur le camp des opposants au projet. La foule se répartit à l’accueil, la buvette et la cantine autogérée. Entre des concerts punks et une balade ornithologique, une conférence de presse est organisée sous le grand chapiteau. Nicolas Girod, porte-parole de la confédération paysanne, y dénonce une pratique d’accaparement de l’eau par l’agro-industrie. Pour faire face aux sécheresses de plus en plus fréquentes, il faudrait selon lui changer de modèle agricole. Abandonner la logique productiviste des fermes-usines rendrait l’utilisation de réserves d’eau inutile, puisque les petites exploitations jouissent d’un pouvoir de captage de l’eau assez important pour s’en passer.
Des figures issues des partis de gauche sont présents, parmi lesquels Sandrine Rousseau, Philippe Poutou et Yannick Jadot. Ce dernier a été copieusement hué lors de sa prise de parole devant les activistes, tandis que sa voiture a été taguée d’un « crevure ».
Trois cortèges ont été constitués, pour tenter d’aller sur le chantier par trois chemins différents. © Marius Jouanny / Reporterre
Samedi à 14 h, la course est lancée, réunissant 7 000 manifestants selon les organisateurs (4 000 selon la préfecture). Trois équipes se constituent pour franchir la distance qui les séparent du chantier en empruntant des directions différentes, afin de déjouer le dispositif policier. Tandis que le cortège blanc notamment composé d’un char en forme d’oiseau et des députés soutenant la lutte emprunte le trajet le plus court, les rouges et les verts choisissent des voies de côté. Les photos de ce reportage ont été réalisées avec la troisième équipe, la dernière à être parvenue au chantier.
Les 2 000 manifestants du cortège vert ont du mal à contourner les routes tenues par les gendarmes, jouant au chat et à la souris à travers les champs jusqu’aux abords du village de Sainte-Soline. À plusieurs reprises, des manifestants masqués et équipés de parapluies et de cailloux se regroupent pour percer les défenses policières, échouant à chaque fois sous une pluie de grenades lacrymogènes et quelques tirs de lanceurs de balles de défense (LBD). Sous les yeux médusés, parfois complices mais souvent désapprobateurs des villageois, les militants effectuent un grand détour leur permettant d’atteindre le site de construction.
De son côté, l’équipe rouge est parvenue à échapper aux gendarmes, allant jusqu’à pénétrer brièvement à l’intérieur du chantier avant d’en être refoulée. Un cortège tente ensuite de créer une brèche à l’entrée du lieu, sans succès. Lassés par les gaz lacrymogènes, les manifestants finissent par battre en retraite vers le campement.
Samedi à 14 h, la course est lancée, réunissant 7 000 manifestants selon les organisateurs (4 000 selon la préfecture). Trois équipes se constituent pour franchir la distance qui les séparent du chantier en empruntant des directions différentes, afin de déjouer le dispositif policier. Tandis que le cortège blanc notamment composé d’un char en forme d’oiseau et des députés soutenant la lutte emprunte le trajet le plus court, les rouges et les verts choisissent des voies de côté. Les photos de ce reportage ont été réalisées avec la troisième équipe, la dernière à être parvenue au chantier.
Les 2 000 manifestants du cortège vert ont du mal à contourner les routes tenues par les gendarmes, jouant au chat et à la souris à travers les champs jusqu’aux abords du village de Sainte-Soline. À plusieurs reprises, des manifestants masqués et équipés de parapluies et de cailloux se regroupent pour percer les défenses policières, échouant à chaque fois sous une pluie de grenades lacrymogènes et quelques tirs de lanceurs de balles de défense (LBD). Sous les yeux médusés, parfois complices mais souvent désapprobateurs des villageois, les militants effectuent un grand détour leur permettant d’atteindre le site de construction.
De son côté, l’équipe rouge est parvenue à échapper aux gendarmes, allant jusqu’à pénétrer brièvement à l’intérieur du chantier avant d’en être refoulée. Un cortège tente ensuite de créer une brèche à l’entrée du lieu, sans succès. Lassés par les gaz lacrymogènes, les manifestants finissent par battre en retraite vers le campement.
Les gendarmes ont arrosé les champs de grenades lacrymogènes pour tenter d’arrêter les cortèges. © Marius Jouanny / Reporterre
Le bilan humain de la journée est lourd : les organisateurs déplorent une cinquantaine de blessés dont cinq hospitalisations dues à des tirs de LBD au visage et à des éclats de grenades de désencerclement. Quatre manifestants ont été arrêtés et placés en garde à vue. Les députés Lisa Belluco, Manon Meunier et Loïc Prud’homme ainsi que le porte-parole de Bassines non merci Julien Le Guet ont été matraqués. Ce dernier a d’ailleurs affirmé détenir des preuves matérielles de l’usage de grenades GLI-F4 par les gendarmes, alors que cette arme à l’origine de nombreuses mutilations est interdite depuis 2020.
Durant le week-end, de nombreux militants ont rappelé la mort du militant écologiste Rémi Fraisse tué par les forces de gendarmerie il y a précisément huit ans, accusant l’État français de n’avoir tiré aucune leçon sur sa doctrine du maintien de l’ordre depuis. De son côté, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a dénoncé « l’écoterrorisme » des manifestants en annonçant soixante-et-un blessés parmi les gendarmes.
Le bilan humain de la journée est lourd : les organisateurs déplorent une cinquantaine de blessés dont cinq hospitalisations dues à des tirs de LBD au visage et à des éclats de grenades de désencerclement. Quatre manifestants ont été arrêtés et placés en garde à vue. Les députés Lisa Belluco, Manon Meunier et Loïc Prud’homme ainsi que le porte-parole de Bassines non merci Julien Le Guet ont été matraqués. Ce dernier a d’ailleurs affirmé détenir des preuves matérielles de l’usage de grenades GLI-F4 par les gendarmes, alors que cette arme à l’origine de nombreuses mutilations est interdite depuis 2020.
Durant le week-end, de nombreux militants ont rappelé la mort du militant écologiste Rémi Fraisse tué par les forces de gendarmerie il y a précisément huit ans, accusant l’État français de n’avoir tiré aucune leçon sur sa doctrine du maintien de l’ordre depuis. De son côté, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a dénoncé « l’écoterrorisme » des manifestants en annonçant soixante-et-un blessés parmi les gendarmes.
En courant à travers champs et faisant face à la police, les manifestants sont quand même parvenus à atteindre le chantier. © Marius Jouanny / Reporterre
Dès le lendemain dimanche, les activistes ont organisé une nouvelle action surprise : une vingtaine de mètres de tuyaux reliés au chantier de la bassine sont sectionnés. La réserve d’eau de Sainte-Soline nécessitera en tout 18 kilomètres de tuyauterie pour pomper les nappes phréatiques et renvoyer l’eau vers les exploitants. Tandis que certains militants repartent déjà en risquant une verbalisation systématique de 135 € par les forces de l’ordre, qui ont placé des barrages sur les routes dans le périmètre d’interdiction de manifester, l’heure est également à la discussion.
Une assemblée générale a décidé d’organiser un porte-à-porte auprès des habitants alentours afin de les convaincre de la légitimité de cette lutte, malgré les images de violence diffusée sur les chaînes d’information en continu. L’enjeu crucial de la semaine sera d’empêcher un éventuel retour des pelleteuses sur le site mercredi 2 novembre. Et pour la suite ? Les opposants aux « mégabassines » donnent deux semaines au gouvernement pour stopper le chantier et annoncer la tenue d’un moratoire. Sans quoi ils annonceront une nouvelle date de manifestation.
Sur le campement, une vigie a été construite afin de pérenniser le lieu comme base arrière de la mobilisation. Évoquée brièvement, l’organisation d’une zad à Sainte-Soline n’est pas à l’ordre du jour. Mais l’hôte du terrain, M. Béguin, a bien signifié que ses invités pouvaient rester autant qu’ils le voudraient, jusqu’au retour des outardes à la fin du mois de mai.
Dès le lendemain dimanche, les activistes ont organisé une nouvelle action surprise : une vingtaine de mètres de tuyaux reliés au chantier de la bassine sont sectionnés. La réserve d’eau de Sainte-Soline nécessitera en tout 18 kilomètres de tuyauterie pour pomper les nappes phréatiques et renvoyer l’eau vers les exploitants. Tandis que certains militants repartent déjà en risquant une verbalisation systématique de 135 € par les forces de l’ordre, qui ont placé des barrages sur les routes dans le périmètre d’interdiction de manifester, l’heure est également à la discussion.
Une assemblée générale a décidé d’organiser un porte-à-porte auprès des habitants alentours afin de les convaincre de la légitimité de cette lutte, malgré les images de violence diffusée sur les chaînes d’information en continu. L’enjeu crucial de la semaine sera d’empêcher un éventuel retour des pelleteuses sur le site mercredi 2 novembre. Et pour la suite ? Les opposants aux « mégabassines » donnent deux semaines au gouvernement pour stopper le chantier et annoncer la tenue d’un moratoire. Sans quoi ils annonceront une nouvelle date de manifestation.
Sur le campement, une vigie a été construite afin de pérenniser le lieu comme base arrière de la mobilisation. Évoquée brièvement, l’organisation d’une zad à Sainte-Soline n’est pas à l’ordre du jour. Mais l’hôte du terrain, M. Béguin, a bien signifié que ses invités pouvaient rester autant qu’ils le voudraient, jusqu’au retour des outardes à la fin du mois de mai.