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18 novembre 2022

Désordre généralisé

Jacques COTTA

La situa­tion poli­ti­que s’aggrave par­tout, et dans tous les domai­nes. De Paris à Moscou en pas­sant par Kiev et quel­ques autres capi­ta­les, le chaos menace.

En France, la poli­ti­que de Macron est d’autant plus agres­sive qu’elle s’appli­que dans un contexte de décom­po­si­tion poli­ti­que et morale accé­lé­rée.

Le président de la Répu­bli­que annonce notam­ment l’offen­sive pro­mise de longue date sur les retrai­tes, et au nom d’une crise des voca­tions pour faire le sale boulot sous-payé, une loi visant à favo­ri­ser l’immi­gra­tion est déjà annon­cée. Elle doit cons­ti­tuer, avec l’assen­ti­ment béat d’une gauche décé­ré­brée, une armée de réserve sup­plé­men­taire, per­met­tant de ne pas aug­men­ter les salai­res et sur­tout de reve­nir, au nom de l’emploi, sur ce qui demeure de règles socia­les gagnées de lon­gues luttes par les géné­ra­tions anté­rieu­res.

En même temps le régime et son per­son­nel appa­rais­sent véro­lés, regrou­pant plus que jamais les copains et les coquins prompts à s’en mettre plein les poches, autant que cela leur est encore pos­si­ble, tant qu’il est encore temps. Après l’affaire emblé­ma­ti­que du secré­taire géné­ral de l’Elysée Alexis Kohler, voilà la minis­tre de la tran­si­tion écologique, Agnès Pannier-Runacher, déjà célè­bre pour avoir conseillé de s’enri­chir en bourse en pleine crise finan­cière, qui est prise la main de son père et de ses enfants dans un sac finan­cier basé dans les para­dis fis­caux. Il parait qu’il n’y a à cela "rien d’illé­gal." Mais poli­ti­que­ment et mora­le­ment, cette réa­lité devrait être dévas­ta­trice si l’opi­nion publi­que était saisie, si la presse jouait encore, un peu seu­le­ment, le rôle d’infor­ma­tion qui lui est nor­ma­le­ment dévolu.

À gauche les mili­tants, comme si de rien n’était, en appel­lent à ren­for­cer les rangs de la NUPES, de la FI ou autres, pour ouvrir une alter­na­tive au pou­voir macro­nien ultra mino­ri­taire. Mais l’appel est voué à l’échec. Les Fran­çais ont une mémoire et savent per­ti­nem­ment les res­pon­sa­bi­li­tés his­to­ri­ques de la situa­tion qu’ils subis­sent, et qui ôte toute cré­di­bi­lité aux oppo­sants de cir­cons­tance. Et pour­tant, ce n’est pas parce que "la gauche" ne convient pas qu’il fau­drait se rési­gner face à un pou­voir dont les jours sont comp­tés. L’infla­tion, la vie impos­si­ble, la crise unique que connais­sent nos ser­vi­ces publics, la lutte des clas­ses, demeu­rent les fer­ments d’un méconten­te­ment qui à défaut de débou­ché électoral cher­chera les voies tra­di­tion­nel­les du mou­ve­ment ouvrier pour s’expri­mer.

Macron ultra mino­ri­taire, est détesté comme aucun de ses pré­dé­ces­seurs. Et pour­tant, Macron et les siens au pou­voir, tirent avan­tage de leur posi­tion au mépris de toute morale. Nous vivons un para­doxe poli­ti­que qui trou­vera iné­vi­ta­ble­ment un peu plus tôt, un peu plus tard, une solu­tion.

Sur le plan inter­na­tio­nal, la situa­tion est aussi d’une extrême gra­vité.

L’Union euro­péenne se montre inca­pa­ble, comme cela était pré­vi­si­ble, de donner le change face à une crise qu’elle ne fait qu’ampli­fier, notam­ment sur le plan finan­cier et énergétique. L’Ukraine est mise en avant autant que faire se peut pour tenter d’éviter les sujets, au risque de voir le cata­clysme final se déclen­cher.

Des posi­tions symé­tri­ques, qui visent d’un côté à condam­ner les Russes et leurs exac­tions, qui de l’autre visent à dénon­cer l’impé­ria­lisme amé­ri­cain et l’occi­dent dans son sou­tien au régime de Zelinsky, gom­ment l’essen­tiel. Nul ne sait ce qui se passe exac­te­ment sur le ter­rain. La pro­pa­gande va bon train, et la dés­in­for­ma­tion comme arme de guerre est décu­plée de tout côté. La der­nière ren­contre entre Biden et le diri­geant chi­nois Xi Jinping est un modèle du genre. Discussion fruc­tueu­ses nous dit-on d’abord, avant qu’on apprenne que « pour le moment les Chi­nois ne visent pas Taiwan » (on appré­ciera le « pour le moment ») et que sur le fond « ils ne se sont enga­gés à rien du tout, sinon à déplo­rer l’éventuel usage de l’arme ato­mi­que ». Voilà qui rend opti­miste Biden, ce qui illus­tre assez bien la maîtrise de la situa­tion du chef de la Maison-Blan­che.

Ce qui demeure est la tra­gé­die que subis­sent les peu­ples par­tout, et la néces­sité d’impo­ser la paix, et pour cela des dis­cus­sions sur des bases négo­cia­bles. Évidemment la légi­ti­ma­tion de l’inva­sion russe ne sau­rait être accep­tée par les Ukrai­niens, pas plus d’ailleurs par la com­mu­nauté inter­na­tio­nale. Mais en même temps, oublier les agres­sions dont ont été vic­ti­mes les rus­so­pho­nes, notam­ment dans le Dombass de la part des Ukrai­niens, à l’ori­gine de l’agres­sion russe, ne sau­rait être accep­ta­ble, au risque de voir demain se repro­duire une situa­tion cata­clys­mi­que, en pire. Comme ne pour­rait être conce­va­ble pour qui désire le retour à la paix, de voir l’influence des amé­ri­cains et de l’OTAN s’élargir encore à l’Est, à l’ombre du drame ukrai­nien.

Dans ce contexte toute solu­tion est liée à la mobi­li­sa­tion de forces socia­les. Et la mobi­li­sa­tion exige des buts clai­re­ment affir­més, un pro­gramme clair et sai­sis­sa­ble. Tel ne devrait-il pas être l’enjeu de toute réflexion ?