Gabriel Nerciat
Vous vous souvenez du film des années 1980, Je hais les acteurs ?
Eh bien, moi, c'est les restaurateurs. Je ne les supporte plus (je parle évidemment surtout des restaurateurs parisiens, ceux que je vois le plus souvent dans ma vie quotidienne).
Oh je sais, ils sont bien à plaindre, les pauvres chéris : la covid, les confinements, les Gilets jaunes, les charges sociales, les activistes végans, l'augmentation du prix du blé, les Français qui sont fainéants et assistés, les jeunes filles de la moyenne bourgeoisie qui deviennent anorexiques, et patati et patata.
Basta. Qu'ils crèvent une fois pour toutes, les Maître Jacques.
Non seulement ils nous font payer un verre de vin rouge comme si c'était de la Veuve Clicquot et quatre gouttes de café comme si c'était de l'ambroisie, mais en plus ils ne trouvent personne qui ait envie de bosser pour eux. On se demande bien pourquoi.
Des salaires trop faibles pour des métiers trop pénibles ? Mais non, vous n'y êtes pas, bandes d'ignares. C'est que si l'on augmente les salaires des travailleurs non qualifiés, alors après tout augmente, et puis c'est la spirale inflationniste qui repart, comme la pluie qui vient grossir les inondations. Tous les partisans de l'euro et de l'austérité salariale connaissent ça aussi bien que le Banquier Président en personne...
Pire, même : les garçons de café et les cuistots pourraient vouloir négocier leur salaire ! Tu te rends compte, Albert : négocier leur salaire, comme s'ils étaient employés cégétistes de Total ou cadre supérieur macronien chez LVMH ! Il n'y a plus de morale, moi je vous le dis.
Alors, du coup, il n'y a qu'un seul remède, celui que le patronat, le gauchisme mélenchoniste post-marxiste et l'humanisme chrétien plébiscitent de concert tous les trois : relancer l'immigration !
Il faut dire qu'il y a déjà tellement peu d'étrangers en France. Ne soyons pas sottement frileux ni xénophobes ; le salut de la gastronomie, patrimoine national, en dépend.
Et Darmanin, bien sûr, de s'exécuter : les gentils migrants régularisés avec les gentils restaurateurs désintéressés (qui ne se gênent pourtant pas pour les employer sans papiers d'ordinaire) d'un côté, et les méchants populistes avec les méchants islamistes qu'on ne peut plus expulser (tout ça, c'est la même mauvaise graine) de l'autre.
"Nous avons besoin des migrants", nous dit, éperdu, Alain Fontaine, l'un des représentants les plus en vue de la corporation.
Eh bien, nous, nous n'avons plus besoin des restaurateurs. Désormais nous ferons la cuisine chez nous, et au lieu d'inviter les femmes au restaurant afin de savourer leur compagnie ou obtenir leurs faveurs, nous les emmènerons à la campagne chasser le sanglier ou bien tuer le cochon dans la remise près de la ferme.
Les filles d'aujourd'hui n'ont plus froid aux yeux, c'est ça qui est bien.
Pour tout dessert, on leur proposera un poème de Verlaine et quelques cuillères de miel du Vexin, qui rend les baisers plus parfumés. Sûr qu'elles aimeront ça.