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15 décembre 2022

Report de la loi sur les retraites

Gilles La Carbona

Madame Borne vient de reculer le dépôt de sa loi sur les retraites. L’examen initialement prévu le 15 décembre 2022, est finalement reporté au 10 janvier 2023.

L’urgence affichée n’est plus de mise, pour quelle raison ? Il est vrai que cette loi divise jusque dans les rangs de la macronie. Des voix s’élèvent un peu partout pour signaler son inutilité, puisque le régime n’est pas à l’agonie, comme veut bien le prétendre le gouvernement, mais bien en bonne santé. Le COR (Conseil d’Orientation des Retraites) l’a même confirmé dans son 9ème rapport en septembre. Ses projections ne sont pas alarmistes, pour peu que l’on s’attelle dès aujourd’hui à corriger certains dysfonctionnements et à remettre du bon sens dans la logique du travail dans ce pays.

Pourtant, et malgré ce rapport entre autres, Macron semblait il y a encore quelques jours, pressé d’en finir, ou d’en découdre, au choix. Que s’est-il passé entre temps pour qu’il décale cette présentation d’un mois ? S’est-il rendu compte de l’impopularité de cette loi au point de la repousser dans le temps ? Peu probable, il y a belle lurette que l’impopularité de ce qu’il fait, ou dit, ne l’effleure plus.

Borne elle-même s’est-elle rendue compte des absurdités du contenu de sa loi, notamment en voulant la faire appliquer à la génération de 1961, censée partir à la retraite en 2023 ? À chaque fois qu’on a repoussé l’âge légal de la retraite, ceux qui se trouvaient à 5 ans du départ n’étaient pas concernés. Aurait-elle pris acte de cette pratique pour corriger son texte et le rendre moins agressif ? On n’en sait rien.

Le gouvernement aurait-il eu vent, après avoir consulté secrètement les différentes formations politiques, que cette fois la partie était mal engagée ? Un nouveau 49.3, souhaité par Macron lui-même, n’étant plus assuré de passer comme une lettre à la poste, il aurait été décidé de surseoir d’un mois, afin de tâter le terrain et d’assurer ses arrières ? Il est vrai qu’entre-temps, Ciotti a pris la tête des LR et si certains dans son camp se posent déjà en dissidents, il n’en demeure pas moins que l’abstention systématique de ce parti ne serait plus assurée. De là, une légitime inquiétude du côté du gouvernement. À force de bluffer parfois on perd. Et Macron joue gros dans cette affaire, car si une motion de censure était votée sur ce texte-là, non seulement la loi serait rejetée, mais en plus le gouvernement tomberait. Il chuterait sur un texte essentiel. Le signal serait plus que symbolique, il marquerait la fin du chèque en blanc et supposerait que d’autres textes, qui sont le cœur du programme présidentiel, pourraient également être rejetés faute de majorité. L’enjeu est donc de taille et mérite réflexion. Un adoucissement du texte pourrait permettre de trouver le consensus recherché auprès des LR. Mais serait-il suffisant, dès lors que la formation de Ciotti affiche des ambitions bien différentes à présent, et qu’elles ne pourront s’exprimer pleinement tant que ce gouvernement restera au pouvoir. Passer en force devient risqué, en cas de vote d’une motion de censure, Macron n’aurait d’autre choix que de dissoudre. Il sait que dans ce cas, non seulement il n’aurait toujours pas de majorité, mais pourrait même affaiblir encore plus ses propres rangs.

Cette réforme, personne n’en veut, pas plus le patronat que le reste de la classe politique. En plus de n’être pas nécessaire, elle pourrait faire tomber le gouvernement qui jusqu’à présent, pouvait se ficher éperdument de manquer de majorité. On attend que les opposition poussent encore plus fort et qu’elles fassent, comme nous le demandons au RPF, tomber ce gouvernement dont plus grand monde ne veut.