Radu Portocala
Depuis le début de l’« affaire Palmade », sur les ondes et dans les journaux, il est beaucoup question des drogues et de leurs méfaits. C’est normal. Il est dit que la consommation augmente sans cesse, ainsi que, bien entendu, les addictions.
Il y a, cependant, une question que je n’ai pas entendue, et qui me semble essentielle. Pourquoi ?
Pourquoi se drogue-t-on de plus en plus, pourquoi boit-on de plus en plus, pourquoi fume-t-on de plus en plus ? Certes, l’offre augmente, mais n’est-elle pas une réponse à la demande ? Or, c’est l’offre que les États combattent – très inefficacement, d’ailleurs – et non la demande, qui est cause de cette offre croissante.
Pourquoi ce besoin de changer de réalité, de la masquer, ou, au moins, d’adoucir celle qu’on subit ? On fume plus qu’il y a un siècle, et on boit plus. Les femmes alcooliques, les adolescents alcooliques – qui boivent, les unes et les autres, pour s’enivrer aussi vite que possible, qui font des concours de comas alcooliques – étaient une rareté et se rencontraient dans les milieux les plus atteints par la misère. C’est chose courante, aujourd’hui. On se drogue plus – de plus en plus, toujours à la recherche de substances de plus en plus dures, de plus en plus destructrices.
Pourquoi ? Serait-ce que l’être humain est de plus en plus vicieux ? Qui oserait l’affirmer ? Il me semble qu’une autre réponse, plus sage, est possible : l’être humain, dans nos sociétés tellement avancées, est de plus en plus malheureux. Il cherche à se cacher, il s’inflige un interminable suicide raté. Il ne trouve aucune satisfaction dans la vie de robot consommateur qu’on lui propose, dans l’injonction de s’imbécilliser jour après jour devant des écrans. Il s’anéantit lentement au milieu de ses achats inutiles et de ses amis électroniques. La société de divertissement fait de lui une larve inerte qu’il ne supporte pas. Il se détruit, donc.
Pourquoi ? Les gouvernements traquent les vendeurs, et c’est très bien. Mais ne se posent pas cette question simple : pourquoi ? Ils ne veulent – et ne pourraient probablement plus – arrêter la tragédie dans laquelle ils nous ont fait jouer nous expliquant que c’est une délectable comédie de boulevard. On nous a fait vivre dans un monde artificiel dont certains, par des artifices d’une autre nature, cherchent à s’échapper. Ils ne trouvent que d’autres murs.