À vrai dire, je ne comprends pas pourquoi tout le monde récrimine et tempête depuis vingt-quatre heures devant les deux bras d'honneur adressés par Dupond-Moretti au président Olivier Marleix dans l'enceinte du Palais-Bourbon.
Qu'y a-t-il de vraiment nouveau ou de surprenant là-dedans ?
L'ensemble du macronisme, depuis que cet OVNI est entré dans la vie politique française en 2016, n'est rien d'autre qu'un immense et perpétuel bras d'honneur parfaitement assumé, brandi ostensiblement à l'intention de tous ceux qui n'en partagent pas les inclinations, les aspirations et le niveau de vie (soit en gros les trois quarts de la population).
On parle souvent de mépris de classe à propos de Macron et des siens. Mais ce n'est pas seulement cela, surtout chez Dupond-Moretti qui nous répète tous les quatre matins qu'il est fils d'une femme de ménage et d'un immigré italien.
Pour être macronien, surtout quand on vient de la gauche social-démocrate ou girondine (ce qui est souvent le cas), il faut avoir, à un moment ou un autre de sa vie, éprouvé une sorte d'aversion motivée, quoique largement irraisonnée, envers la majorité de vos compatriotes, vis-à-vis desquels un sentiment intime ou viscéral d'étrangeté donne une coloration éminemment morale au mépris que vous manifestez à leur endroit.
Je crois même que c'est là le cœur de la vraie différence entre la droite orléaniste ou giscardienne et la macronie : la première fonde son instinct de classe sur la volonté d'être reconnue et admirée par ceux qu'elle considère comme ses inférieurs ; la seconde au contraire construit un ressentiment de classe inversé (courant chez certains parvenus, car analogue au ressentiment traditionnel éprouvé par les classes populaires envers les classes supérieures) sur le désir d'être haï ou détesté par tous ceux qui n'ont pas été capables d'atteindre le même niveau de réussite sociale, d'isolationnisme moral et/ou d'accomplissement élitaire qu'elle.
Sauf accessoirement s'il s'agit de voyous ou de marginaux, autres rebuts de la nation - car dans ses clients les plus farouches ou atrabilaires, Dupond-Moretti projetait évidemment une part de ses propres passions narcissiques et revanchardes.
Chez le bourgeois libéral-libertaire de tradition janséniste comme chez le truand des bas-fonds, il y a la même griserie de ressentir que ce qui vous a avantageusement élu et distingué des autres repose sur la volonté de ne jamais accepter les moeurs et les règles communes qu'acceptent la plupart des autres (Meursault, le pitoyable et homicide héros du plus mauvais roman d'Albert Camus, aurait pu lui aussi être un élu ou un ministre de Renaissance, et Acquitator se serait fait une joie de le défendre).
Ont-ils vraiment tort d'ailleurs de nous envoyer ainsi des bras d'honneur à chaque occasion ?
Je ne suis pas loin de penser parfois qu'ils ont un peu raison de le faire - puisque la plupart du temps nous nous abstenons en retour d'aller leur mettre un poi.g dans la gue.le.
Ce qui est, au bout du compte, la seule réponse décente à adopter.