La longue visite de XI Jinping en Russie est incontestablement un événement majeur. La Chine affirme sa place dans la géopolitique mondiale et prévient les États-Unis qu'ils auront dorénavant beaucoup de soucis à se faire. Les Européens sont renvoyés à leur misérable inexistence, excepté comme champs de manœuvres des nations qui comptent.
De cette situation, on pourrait se réjouir : la fin de la domination occidentale ne serait que justice ! On confierait volontiers aux puissances montantes la mission de punir ce capitalisme que nous n'avons pas su combattre et encore moins abattre.
Cette orientation, largement reprise un peu partout, est pourtant fort douteuse. Je n'ai pas très envie d'être soumis à la vision très particulière des droits de l'homme entre la Chine, l'Iran et l'Arabie saoudite... À côté d'eux, Poutine a même l'air d'être un démocrate. Le nouveau monde, pour lequel on s'enthousiasme ici et là ressemble fort à ce qu'il y avait de pire dans l'ancien monde, mais avec une technologie qui rendra bien vite toute résistance vaine. Les nouveaux maîtres ne me semblent pas préférables aux anciens. Le mieux est toujours de n'avoir pas de maître du tout !
Les transes qui ont saisi les classes dirigeantes d'Occident risquent fort de précipiter le mouvement, par réaction notamment contre les excès et les folies "sociétales". On sent ici et là naître une sorte de "poutinisme" pour Occidentaux, une aspiration au retour à l'ordre capitaliste ancien pur et dur qui devrait nous inquiéter.
Il va falloir se battre sur deux fronts : contre les folies du capital mondialisé sous domination américaine et les menaces de régression des libertés personnelles autant que publiques, que ces menaces soient internes ou extérieures. Cette civilisation qui a porté au plus haut point le revendication de la dignité de l'homme (Pic de la Mirandolle) pourrait disparaître pour longtemps. Si cela devait arriver, les vivants envieraient les morts, comme nous envions parfois l'air de liberté des années 1960/1970.