Lorsque votre boussole indique le sud, lorsque le soleil à midi indique le nord, pas de doute vous êtes ailleurs.
Vous êtes dans l'hémisphère sud, vous avez changé d'hémisphère, changé de ciel et de tant d’autres choses auxquelles vous êtes habitué.
C'est exactement le même phénomène qui se déroule en ce moment du point de vue de notre société, et de notre vie telle que nous avons l'habitude de la vivre. Ce n'est pas aussi simple que la géographie, ce n'est pas aussi clairement établi, mais surtout, il n'est pas certain qu'il y ait une voie de retour.
Regardez autour de vous, tout a changé. Les repères ont changé de place. L'étrange crise du Covid tout d'abord puis la guerre en Ukraine ensuite ont déplacé les repères de la politique.
N'a-t-on pas vu un ancien membre du bureau politique de la LCR, un professeur de médecine, toujours prêt à signer pétitions et grands appels généreux, émanant de la gauche de la gauche, exiger qu'on laisse mourir devant les hôpitaux ceux qui n'accepteraient pas de s’injecter un produit qui n'arrête ni la transmission, ni la maladie, mais a rapporté des dizaines de milliards de dollars à l'entreprise qui le fabrique, ainsi qu’aux entreprises qui fabriquent les produits concurrents et qui ont – comme par hasard – le même actionnaire principal comme – certainement plus discrètement – aux intermédiaires qui l’ont imposé à leur population et cachent les SMS de la négociation. Un produit dont on commence à recenser les effets secondaires…
Habituellement, la gauche, encore plus la gauche de la gauche, ce n'était pas les grenadiers voltigeurs du combat pour les profits des entreprises du Capital le plus concentré. Ce n'était pas, dans nos régions, la coercition comme seul moyen de gouvernement des peuples. Voilà une boussole qui indique le sud.
Après l'effondrement de la gauche dans la Guerre d'Algérie, elle s'était reconstruite, à partir de la gauche de la gauche, dans la bataille contre la guerre américaine au Vietnam puis dans toute l'Indochine. La dénonciation de la marionnette américaine Nguyễn Văn Thiệu, l'exigence d'une paix immédiate et de l'arrêt des livraisons d'armes et de la présence des conseillers militaires américains au Sud Vietnam rassemblait la gauche. Par le discours de Phnom-Penh, le parti dominant de la droite, c'est-à-dire le parti gaulliste alors au pouvoir, demandait aussi aux Américains de rentrer chez eux et de laisser les peuples d'Indochine vivre leur vie.
Aujourd'hui c'est la concurrence, entre les intellectuels d'extrême gauche, les partis de gauche, les partis et dirigeants écologistes, pour exiger chaque jour un soutien plus fort, plus actif, plus décidé, militairement plus déployé, à la marionnette américaine Volodymyr Zelensky, qui n'a rien à envier à Nguyễn Văn Thiệu.
Tous ces braves gens de gauche et d'extrême gauche sont rassemblés autour du Pentagone, pour exiger plus de guerre, plus d'armes, plus vite, plus fort, pour un régime dont la politique intérieure est ultra-autoritaire, dans un pays dans lequel leurs partis seraient totalement interdits et leurs dirigeants en prison, dans un pays qui est le plus corrompu d’Europe, dont les dirigeants figurent en bonne place dans les enquêtes internationales sur la corruption, et qui s'appuie sur des corps francs dont l'emblème est la croix gammée pour faire de la purification ethnique contre les russophones. Le soleil apparaît au nord à midi.
Et le parti qui se réclame du Général De Gaulle emboîte le pas à l'OTAN, à Washington, à tous les faiseurs de guerre qui mettent à genoux l'Europe pour la plus grande gloire de l'empire américain.
Naturellement une année de guerre a produit l'effet souhaité : on n’a jamais autant distribué de dividendes dans l'ensemble de l'Occident, et la France est toujours en pointe dans cette distribution, alors qu'elle est en train de s'effondrer sous les yeux des milliardaires qui la dépècent, grâce à leur marionnette.
Y a-t-il quelqu'un pour protester ? Y a-t-il quelqu'un pour exprimer l'inquiétude du peuple ? Y a-t-il quelqu'un pour proposer une offre politique alternative ? Aucunement…
Le parti qui recueille les votes de ceux des ouvriers et employés qui se déplacent encore aux urnes, le Rassemblement national, vient de faire allégeance à Volodymyr Zelensky par la voix de son nouveau patron, après avoir successivement fait allégeance à toutes sortes de symboles de l’Union européenne, de Bruxelles et de Francfort. Il ne manque plus qu'un agenouillement à Davos, qui finira par arriver.
Et l'autre grand combat de la gauche, au-delà du soutien à Zelensky, c'est le « combat antifasciste » contre ce même Rassemblement national, pour bien s'assurer que la marionnette des milliardaires ne sera pas mise en minorité au Parlement, et faire croire qu'elle continue les combats du XXe siècle, mais c'est une farce triste.
Il faut nous y résoudre, nous ne sommes plus dans le même monde, ou plutôt nous sommes revenus dans le monde de bien avant : le XIXe siècle, dans lequel l'idée de l'émancipation de l’Homme était une idée extraordinairement minoritaire, qui était portée par quelques intellectuels et quelques privilégiés que leur réflexion avait conduit à trahir les intérêts de leur classe d'origine.
Un révolutionnaire russe du XXe siècle expliquait que les guerres et les révolutions interrompaient violemment le cours de l’Histoire et changeaient, du tout au tout, la donne dans les sociétés dans lesquelles elle se déroulaient. Mais que la guerre s’arrête ou que la révolution soit vaincue et « l’Histoire renoue ses fils là où elle les avait laissés » avant ces événements. C'est ce à quoi nous avons assisté à la fin de la séquence ouverte par la prise du Palais d'hiver à Saint-Pétersbourg en Octobre 1917 et conclue par la chute du Mur de Berlin en 1989.
Il a fallu un peu plus d'une trentaine d'années pour que l’Histoire renoue les fils, et que disparaisse cette illusion qui était la gauche européenne du XXe siècle, qui a rassemblé – derrière une aile progressiste de la petite bourgeoisie intellectuelle – une part majoritaire des ouvriers et des employés, parce que le capitalisme dominant souhaitait – pour éviter la coagulation entre les mouvements sociaux et la force de l'Union soviétique – montrer un visage avenant, accueillant et social, donnant ainsi aisément du « grain à moudre » à un courant qui n'avait plus qu'à se draper dans diverses idéologies généreuses pour séduire..
Mais cette petite bourgeoisie intellectuelle – maintenant que le cours principal du capitalisme a repris et s’est durci – n'a plus aucune raison de s'intéresser aux catégories populaires, et si elle continue avec les mêmes grands mots de référence et les mêmes partis – qui se sont vidés de leur militants et de leur électorat d'ailleurs – c'est pour mener une politique diamétralement opposée, comme votre boussole, dans votre poche, si vous la sortez dans l'autre hémisphère, vous indiquera le sud sans vous avoir prévenu…
Dans une intervention dont j'ai diffusé régulièrement la vidéo sur ce mur, j'expliquais quelques semaines avant la crise du Covid que le basculement qui se préparait à bas bruit depuis la chute du Mur, allait intervenir prochainement, mon pronostic pessimiste s'est réalisé, nous sommes dans ce basculement. Il faut en prendre la mesure.
Nous avons maintenant sous les yeux un nouvel élément, la direction nord-américaine pense que l'affrontement entre des systèmes sociaux opposés étant terminé, la guerre nucléaire est tellement terrible qu'elle fera peur à tous les acteurs, et que donc la guerre conventionnelle est de nouveau possible, notamment contre la Russie.
« Cerise sur le gâteau » si l’on peut dire, pour le moment que nous vivons, la gauche et les gaullistes unis applaudissent à l’arrivée de chars lourds allemands en Ukraine pour affronter les Russes, chars qui seront servis par des soldats arborant volontiers la swastika !
C'est en pensant à ce dernier aspect, à ce renversement total, qu’un ami allemand, aussi francophile que brillant m'a donné l'idée de la chanson de ce dimanche, puisque – lorsque je ne suis pas interdit de parole ici – je diffuse une chanson sur ce mur le dimanche. Il s'interrogeait sur ce que penserait aujourd'hui cette grande artiste et cette femme remarquable, comme tant de ceux qui ont combattu au XXe siècle, s'ils voyaient cela.
Écrite, composée, et interprétée en anglais par Pete Seeger en 1960, la chanson a été adaptée en français en 1962 par Francis Lemarque et Rene Rouzaud, Marlene Dietrich l'interprétera alors, c'est Burt Bacharach qui dirige l'orchestre. Où vont les fleurs :