- 6/3/2023 - Selon le ministre, interrogé par Le Parisien ce dimanche 5 mars et franceinfo ce lundi, la réforme des retraites serait « de gauche ». La farce ne s’arrête pas là, puisqu’après trois mois de décorticages médiatiques de sa réforme, Olivier Dussopt ose un triple saut périlleux arrière en affirmant que cette dernière ne fera « pas de perdant ».
« C’est une réforme de gauche, qui aurait pu être portée par un gouvernement social-démocrate », insiste donc Olivier Dussopt dans Le Parisien. Et d’ajouter sur franceinfo : « La dernière réforme des retraites qui est intervenue dans notre pays, c'est fin 2013, quinquennat de François Hollande. Je l'ai votée. » Quelle meilleure référence que le quinquennat de François Hollande pour départager gauche et droite ? Et quel gage social plus solide que le vote d’Olivier Dussopt ? « Une réforme de droite, ce serait une réforme sans les mesures d'accompagnement que nous avons proposées continue le ministre. Ce serait uniquement les 64 ans, sans aucune mesure sur les carrières longues et la pénibilité. » Sauf que ces « mesures d’accompagnement » sont issues des discussions avec… Les Républicains. C’est par exemple le cas de la durée de cotisation pour les carrières longues, amendée à la demande de LR. Il fallait donc des députés de droite pour rendre le texte plus compatible avec la gauche.
« SAUVER LE SYSTÈME PAR RÉPARTITION »
En bon disciple du « en même temps », Olivier Dussopt martèle l’idée que ramener la réforme « nécessaire, juste et équilibrée » à une vulgaire grille de lecture gauche-droite n’a pas grand sens. « Au cours des vingt dernières années, il y a eu cinq réformes : quatre par la droite, une par la gauche. Aucune des nouvelles majorités n'a remis en cause ces réformes, remarque le ministre du Travail. Ce que je dis, c'est que la réforme que nous menons, un gouvernement social-démocrate la mènerait, à condition de vouloir sauver le système par répartition. » Système par répartition qui, rappelons-le, n’a pas besoin d’être sauvé, dixit le président du Conseil d’orientation des retraites, Pierre-Louis Bras, selon qui « les dépenses de retraites ne dérapent pas » et « diminuent plutôt à terme dans la plupart des hypothèses ». En revanche, ces dépenses ne sont « pas compatibles avec les objectifs de finance publique du gouvernement », c’est-à-dire avec le choix politique consistant à faire peser l’effort financier sur les travailleurs.
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Olivier Dussopt prétend en outre que sa réforme ne ferait « pas de perdants » parmi les Français. « Il n’y aura pas de perdants, car les pensions ne baisseront pas », affirme le ministre dans Le Parisien. « La réforme demande des efforts aux Français. Cela oui. Mais nous faisons en sorte qu’ils soient le plus justement répartis. » Ne dites pas « perdre au change », mais « demander des efforts ». Comme l’avait relevé Libération, Olivier Dussopt enferme ici le débat dans cette fausse alternative : repousser l’âge de départ ou baisser les pensions. L’étude d’impact présentée par le gouvernement écarte la seconde branche de l’alternative « en raison de l’incidence négative d’une telle mesure sur le revenu, donc le pouvoir d’achat, des retraités ». Mais c’est donc bien avec cette option que le ministre compare la réforme. Nul besoin d’examiner les propositions de l’opposition de trouver d’autres possibilités : une note rédigée par le Haut-Commissariat au Plan, dirigé par François Bayrou, suggère par exemple d’augmenter d’un point les cotisations retraites versées par les employeurs, afin de dégager 7,5 milliards d’euros.
LE CORTÈGE DES PERDANTS
N’en déplaise au ministre du Travail, les perdants de la réforme des retraites existent bien, et ils sont nombreux. Première catégorie de perdants de la réforme – la plus importante numériquement : les travailleurs pour qui l’âge de départ à la retraite sera décalé. Puisque la communication du gouvernement met en avant « que quatre travailleurs sur dix pourront prendre leur retraite avant 64 ans », sa contraposée est évidente : six travailleurs sur dix devront partir à 64 ans, voire plus pour obtenir une retraite complète. Autres perdants : les travailleurs nés avant 1972, pour qui l’accélération du passage de 42 à 43 années de cotisation ajoutera des trimestres à valider pour partir à la retraite à taux plein.
Suivent les travailleurs misant sur une surcote – c’est-à-dire l’obtention d’une pension plus confortable grâce aux trimestres cotisés en continuant à travailler après l’âge légal de départ à la retraite (c'est-à-dire l'âge de départ à la retraite le plus précoce possible). Pour ces Français ayant choisi de jouer les prolongations, le recul de l’âge légal signifie donc un manque à gagner. « J'ai entendu cet argument dans la bouche de parlementaires de gauche, s’amuse Olivier Dussopt sur franceinfo. C'est assez fantastique : ils nous expliquent qu'il ne faut pas travailler plus longtemps, qu'il ne faut pas reculer l'âge, mais en même temps qu'il faut encourager les gens à travailler après l'âge de départ. » Il n’y a pourtant aucune incompatibilité entre souhaiter que les Français ne soient pas obligés de partir plus tard à la retraite, tout en étant favorable à ce que ceux qui travaillent plus vieux aient une meilleure pension.
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