Peut-on parler de « spiritualité naturelle » ?
Existe-t-il, par conséquent, une « spiritualité artificielle » ?
En quoi consisteraient alors ces artifices ?
Et comment s'en libérer ou s'en émanciper ?
Les traditions religieuses et spirituelles proposent et parfois imposent, en effet, toutes sortes de règles, normes et conventions, prescrivant ce que l'être humain doit, selon elles, penser (dogmes et croyances), dire (prières et formules préétablies) et faire (rites, interdits et obligations).
On peut dès lors percevoir ces traditions comme de vastes et impressionnantes entreprises de formatage, de dressage ou même de domptage de l'humanité, ayant pour objectif revendiqué de combattre la nature humaine, considérée comme faible, faillible, impure, dangereuse et pécheresse.
Tout ceci avec, on peut en tout cas le supposer, les meilleures intentions du monde, et dans le but de transformer, amender et perfectionner cette même nature humaine.
Mais on peut aussi penser et observer que cette ardente offensive de combat contre soi ne donne pas d'excellents résultats, et génère bien plutôt le fanatisme, l'intolérance, le sectarisme, le dogmatisme et autres joyeusetés, résultant de cette conception guerrière de la spiritualité et de la possible transformation de l'être humain.
Aussi pourrait-on concevoir une autre approche de la spiritualité, plus douce, sans doute plus féminine et aussi plus scientifique, consistant non plus à vouloir dominer artificiellement et brutalement sa propre nature mais, tout au contraire, à l'explorer, la découvrir, la laisser s'exprimer et la laisser s'épanouir.
C'est là précisément ce que j'appelle spiritualité naturelle.
Cet itinéraire d'exploration de soi n'étant, du reste, nullement inconnu des spiritualités traditionnelles, mais concernant plutôt la mystique que la religion proprement dite.
Ce que je veux dire par là, c'est qu'il a, de tout temps et dans toutes les cultures, existé des êtres ayant entrepris de se connaître et expérimenté l'éveil et la transcendance, en dehors du labyrinthe de la stricte, rigoureuse et minutieuse observance des multiples commandements cléricaux qui, de tout évidence, ne mène aucunement à l'éveil, tout simplement parce que la prison ne saurait être le chemin de la liberté !
Concrètement et pratiquement, la spiritualité naturelle consiste alors à donner de la valeur et prêter attention à ce qui se produit naturellement et spontanément en soi.
En résulte une autre approche et conception de la méditation, sans posture ni comportement imposé, sans concentration sur quoi que ce soit, sans contrôle et sans injonction ni discipline, sans chasser ses pensées, ses émotions ou ses désirs, méditation pour ainsi dire permanente, impliquant simplement d'être conscient du spectacle intérieur comme extérieur, du spectacle du monde comme du spectacle de soi.
Ce que l'on percevra alors sera que notre nature est multiple et changeante, faite tout autant de pulsions et réflexes émotionnels, mécaniques et répétitifs, que d'épisodes d'éveil et d'expansion de conscience, grandioses et gratifiants.
Et l'on découvrira également que si l'on renonce à se combattre et se contrôler, se mettent alors en place différents processus naturels et spontanés de guérison, d'harmonisation, de réalisation , d'éveil et d'accomplissement de soi.
Autrement dit, la nature est bien faite et donne d'excellents et savoureux fruits, dès lors que l'on cesse de la craindre et renonce à la contraindre !
Et c'est toute une nouvelle science de la conscience, un nouvel (et éternel) art d'être, une connaissance effective et opérative de l'éveil humain, qui se présenteront alors à nous, à partir du moment où nous déciderons de nous réconcilier avec la nature, non seulement au dehors, mais aussi et surtout à l'intérieur de nous-même.
Science holistique et spirituelle, et non plus matérialiste et réductrice.
Voilà pourquoi je pense que la spiritualité naturelle n'est rien d'autre que la spiritualité du futur, celle d'une humanité ayant mis fin à l'absurde et destructrice manie et habitude plurimillénaire du combat et de la guerre tous azimuts, générale et permanente, indigne et cruelle, puérile et inutile.