Publié le 12 mars 2023
Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, le 7 mars dernier à Stockholm (Suède) - JONATHAN NACKSTRAND / AFP
TRIBUNE/OPINION - Où s'arrêtera le "whatever it takes", ce "quoi qu’il en coûte" de Joe Biden et de l’OTAN dans la politique de soutien militaire à l'Ukraine ? De cette question dépend non seulement le sort de l'Ukraine, mais le sort du monde, plus que jamais au bord de la Troisième guerre mondiale.
Le dernier sommet des pays de l’OTAN désireux de soutenir militairement l’Ukraine s’est tenu le 20 janvier sur la base américaine de Ramstein, en Allemagne.
Après quelques réticences au sujet de la livraison de chars lourds “Léopard 2”, le chancelier allemand Olaf Scholz a cédé aux pressions, notamment celles de la Pologne et des Pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), mais aussi celles des Anglo-Saxons.
Il a ainsi autorisé la réexportation vers l’Ukraine de ces chars vendus initialement à d’autres pays. Outre l’Allemagne, au moins 8 pays occidentaux ont promis des “Léopard 2” à l’Ukraine (Pologne, Espagne, Portugal, Pays-Bas, Norvège, Finlande, Grèce, Canada).
La liste des matériels promis pour 2023 comptait plus de 340 chars au 7 février quand on y ajoutait les Abrams américains, mais aussi les chars de technologie soviétique promis par les Polonais et les Tchèques, et les vieux “Léopard 1”.
À cela s’ajouterait la fourniture par le Maroc à l’Ukraine d’un nombre inconnu de chars de conception soviétique, selon un média algérien. Mais des sources marocaines ont démenti. Le Maroc aurait juste accepté de fournir des pièces détachées. Il est possible que les uns ou les autres jouent sur les mots ici. Quant à l’Espagne, après avoir annoncé l’envoi de 53 chars, elle se limiterait à un nombre entre 6 et 10.
Quoi qu’il en soit des chars marocains, les chars lourds promis par les pays occidentaux s’ajoutent aux 40 chars légers à roue AMX-10 RC, aux 20 véhicules de transport de troupes Bastion et aux 12 canons Caesar supplémentaires que la France s’est engagée à livrer (dès le mois de février pour les AMX-10), ainsi qu’aux centaines de blindés d’infanterie, pièces d’artillerie et autres systèmes d’armes que les Etats-Unis et d’autres pays ont promis.
La liste, qui ne cesse de s’allonger, impressionne. Et ces armements que fournit l’OTAN à l’Ukraine en manque de matériels sont de plus en plus sophistiqués.
Poussée par la dynamique globale, la France réfléchit même à fournir ses propres chars Leclerc, peut-être les meilleurs au monde, fleurons de la technologie militaire française.
À peine les promesses de livraison de chars lourds étaient annoncées que le président Zelensky demandait des avions de chasse, des missiles de longue portée et même des sous-marins.
Comme on ne refuse rien à l’Ukraine, ni à celui qui n’était encore qu’un amuseur public, pour ne pas dire littéralement un bouffon, il y a seulement 4 ans, on se sera pas surpris qu’il obtienne quasiment tout ce qu’il demande, à un moment ou à un autre.
D’ailleurs, Mike Pompeo, ancien directeur de la CIA et ex-Secrétaire d’Etat, assène : “Nous devons faire tout ce que les Ukrainiens nous demandent de faire”.
Et Annalena Baerbock, la ministre allemande des Affaires étrangères, avance que “nous sommes en guerre avec la Russie”. Et comme pour enfoncer le clou dans le cercueil du pacifisme allemand, le nouveau ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, se fait photographier en tourelle d’un char “Léopard 2” prêt à être envoyé en Ukraine.
“C’est de la folie, et personne n’a l’air de s’en soucier”, commente l’éditorialiste américain Tucker Carlson sur Fox News. Et Les Pays-Bas ont déjà annoncé qu’ils étaient prêts à fournir des F-16, que les Américains annoncent tester 2 pilotes ukrainiens sur des F-16 en simulateur et étudier l'installation de leurs missiles sur des Mig-29 ukrainiens, quand les Britanniques annoncent former des pilotes ukrainiens sur leurs avions Phantom.
Même la France réfléchirait à fournir ses Mirage. L’OTAN montre qu’elle est prête à vider ses arsenaux pour l’Ukraine et repousse sans cesse ses limites. Où cela s’arrêtera-t-il ?
Dans quel but ?
L’objectif officiel de l’Ukraine est de récupérer tous ses territoires, Crimée comprise, dans les frontières de 1991. Le changement de régime en Russie fait aussi clairement partie de l’agenda, puisque le président Zelensky a interdit par décret toute négociation avec le président Poutine.
Ces objectifs maximalistes étant totalement inacceptables pour au moins les trois quarts des Russes, ils ne pourraient être remplis que si la Russie était affaiblie au point de devenir un pays du tiers-monde, au point de ne plus pouvoir se défendre avec des armes conventionnelles, et d’être à la merci non seulement d’un changement de régime, mais d’un démantèlement - hypothèse sur laquelle des think tanks travaillent très sérieusement. Des cartes circulent. Et de plus en plus d’internautes, de Tallinn à Kiev, en rêvent. Le conseiller de Zelensky, Mikhail Podolyak, appelle même ouvertement à bombarder Moscou, Saint-Petersbourg et Ekaterinburg.
Le président Biden a récemment répété que l’objectif est d’affaiblir la Russie au point de l’empêcher de faire ce qu’elle a fait en Ukraine. Dans le fond, l’OTAN veut interdire à tout autre pays de faire ce qu’elle-même se permet de faire impunément depuis 30 ans, bombarder et envahir qui bon lui semble, mais toujours avec bonne conscience. C’est la domination sans partage du monde par les Etats-Unis et ses vassaux zélés qui est en jeu.
Le point de vue russe ignoré
Que cela plaise ou non, la Russie considère la Crimée et les quatre nouvelles régions ukrainiennes annexées en septembre 2022 comme partie intégrante de son territoire. Et les Russes ont déjà annoncé que toute attaque contre les « intérêts vitaux » de la Russie déclencherait une riposte nucléaire. Personne ne sait à partir de quel moment la Russie considèrera que ses intérêts vitaux sont menacés. Dès qu’un missile visera Moscou ? L’Ukraine et l’OTAN jouent donc avec le feu, et c’est un feu nucléaire.
Or, la Russie a l’arsenal nucléaire le plus sophistiqué au monde. Elle serait le seul pays à disposer de missiles hypersoniques opérationnels (avec la Chine), des missiles tellement rapides qu’il n’est pas possible de les intercepter avec les technologies actuelles. S’engager dans une lutte à mort avec la Russie est donc pure folie.
Les appels - faussement ou vraiment naïfs - de beaucoup au simple retrait des forces russes de tous les territoires contestés semblent ignorer, ou ne pas comprendre, les raisons fondamentales qui ont poussé la Russie à conduire cette opération militaire spéciale, devenue une véritable guerre.
Cette ignorance que les médias occidentaux ne font quasiment rien pour corriger constitue le grave danger qui nous menace collectivement. Et traiter de "valets poutiniens" tous ceux qui alertent sur la nécessité de ne pas négliger le point de vue adverse relève de l’irresponsabilité et de l’inconséquence, voire de la simple propagande guerrière.
Pourquoi l’argument moral ne tient pas
Pour les donneurs de leçons professionnels occidentaux, qu’on connait bien en France, il n’y a d’autre choix que d’aider l’Ukraine "quoi qu’il en coûte", parce que ce serait moralement juste : parce que Poutine serait un tyran sanguinaire, un nouvel Hitler avide de conquêtes, qui massacre les civils par plaisir et qui s’attaquera au reste de l’Europe si on ne le repousse pas dans ses frontières de 1991.
D’abord, les crimes de guerre russes en Ukraine ont été très largement exagérés, surexploités, quand ils n’ont pas été créés ou inventés par les Ukrainiens eux-mêmes. Cela fait partie des techniques de diabolisation de l’ennemi, des opérations d’influence et de guerre psychologique. Voir tous les articles déjà publiés sur France-Soir à ce sujet. Même Olekseï Arestovitch, le propagandiste professionnel de la présidence ukrainienne qui a été poussé à la démission le 17 janvier, a récemment reconnu que les Russes ont tout fait pour minimiser les victimes civiles au début de leur intervention, détruisant le narratif véhiculé jusque-là.
Ensuite, l’Ukraine d’aujourd’hui est loin d’être un parangon de démocratie, qui mériterait qu’un Européen se batte pour elle jusqu’à la mort. C’est un pays ultra-corrompu, qui vient encore de le démontrer avec un récent scandale qui a obligé à la démission plusieurs ministres adjoints et plusieurs gouverneurs de régions frontalières.
C’est aussi un pays qui n’a pas fait son aggiornamento avec son passé de collaboration avec le nazisme et ses propres crimes de masse contre les Polonais et les Juifs. Au contraire, les responsables idéologiques de cette période sont érigés en héros et en modèles. Dans toute l’Europe, Arno Klarsfeld semble être le seul intellectuel médiatique qui s’en émeut.
C’est encore un pays qui, avec l’aide américaine, a destitué un président élu grâce à un massacre sous fausse bannière organisé sur la place Maidan en février 2014, dans un scénario d’une rare perversité, comme l’a brillamment démontré l’universitaire d’origine ukrainienne Ivan Katchanovski.
Mais le travail monumental de ce dernier reste totalement ignoré par l’ensemble des médias occidentaux, ce qui est scandaleux. La guerre déplorable que nous voyons aujourd’hui n’est que la conséquence de la prise de pouvoir par la force des nationalistes ukrainiens et de leurs parrains américains.
L’Ukraine est enfin un pays où les chaines de télévision ukrainiennes jugées pro-russes ont été interdites dès 2021, un pays où 11 partis d’opposition ont été suspendus puis interdits au cours du 1er semestre 2022, et un pays où le gouvernement vient de se doter du pouvoir de fermer n’importe quel média sans décision de justice.
Cette tendance à l’éradication de tout contre-discours était déjà latente dans la société depuis le coup d’Etat de Maidan. L’intervention russe de février 2022 n’a fait qu’accélérer le phénomène et lui donner un vernis de légitimité. Pour les nationalistes ukrainiens, se sentir proche de la Russie n’est pas une opinion, c’est un crime qui doit être puni. Et cela l’a été dès le printemps 2014, notamment quand les bataillons de représailles comme Azov et autres semaient la terreur dans le Donbass, à la chasse aux séparatistes, commettant de nombreux crimes de guerre. L’Occident a décidé d’ignorer tout cela.
Ces nationalistes ukrainiens et leurs dirigeants semblent ne se fixer aucune limite. Ils paraissent croire à leurs propres mensonges. Leur haine de tout ce qui est russe parait être leur seule boussole et semble aujourd’hui les aveugler, les rendre gravement irréalistes. Ils se sont montrés incapables d’accepter les compromis et les concessions, aujourd’hui comme hier, comme l’a démontré leur refus d’appliquer les Accords de Minsk ou d’accorder le moindre statut à la langue russe. Et on devrait risquer la 3ème guerre mondiale pour ces gens-là ?
Par ailleurs, Merkel et Hollande ont tous deux avoué en décembre 2022 que ces Accords de Minsk, qu’ils ont signé, avaient pour but de donner du temps à l’Ukraine pour se réarmer, et pas de régler le problème du Donbass par la voie pacifique. Et cette trahison de leur propre parole, qui plus est de la parole d’État, ne semble choquer personne en Occident. Cela est encore plus extraordinaire. L’Europe donneuse de leçons a ainsi perdu tout magistère moral, mais elle continue à faire semblant d’incarner le Bien.
Quant à l’idée que les chars russes menaceraient le reste de l’Europe, aucun élément ne la soutient. Mais à force de s’immiscer militairement dans un problème bilatéral entre l’Ukraine et la Russie, on finira peut-être par véritablement provoquer la Russie à nous faire la guerre. Est-ce le but ?
Objectivement, l’incursion militaire russe en Ukraine était une violation du droit international. Mais les interventions de l’Occident en Serbie, en Irak ou en Syrie, non-autorisées par l’ONU, ne l’étaient pas moins, et la destruction de la Libye a honteusement exploité une résolution qui ne prévoyait qu’une zone de restriction aérienne. L’Occident justifiait ces dernières guerres au nom de la lutte contre les dictatures et de la défense des opprimés.
C’est à peu près comme cela que la Russie justifie son intervention, et cela n’est pas dénué de tout fondement. Je le sais pour avoir passé 5 ans dans le Donbass. La Russie y ajoute une dimension supplémentaire, qui est de lutter contre une grave menace à ses frontières mêmes, ce qui n’est pas non plus absurde, quand on voit ce qui se passe aujourd’hui. L’Ukraine russophobe gonflée à bloc par l’OTAN ne rêvait que d’offensive militaire.
À cela s’ajoute les complications nées de la dissolution de l’URSS, qui a fait perdre à la Russie des terres historiques qu’elle avait colonisée il y a trois siècles, séparant du jour au lendemain des millions de Russes ethniques de leur nation d’origine.
Est-il juste d’ignorer délibérément cette dimension historique et anthropologique ? Est-il juste d’ignorer la volonté des populations locales en refusant toute idée de référendum, même supervisé par l’ONU ? En refusant de discuter de ces questions, l’Occident a démontré son mépris des peuples, y compris des peuples occidentaux qui ne sont consultés en rien quant à l’idée de continuer à armer l’Ukraine, au risque d’un cataclysme global.
Une "victoire" qui demeure improbable
Le président Macron explique que la France aidera l’Ukraine jusqu’à la victoire finale. Y croit-il ? Si c’est le cas, alors ce sera une guerre sans fin, jusqu’à l’anéantissement de l’une ou l’autre des parties, voire de toutes.
Pour beaucoup d’observateurs, comme Die Welt, l’aide occidentale ne fera que prolonger l’agonie de l’Ukraine. Elle permettra peut-être de contenir l’armée russe, voire d’obtenir un succès localement, mais certainement pas d’aider l’Ukraine à reconquérir toutes ses terres. Il faut un rapport de 3 contre 1 pour mener à bien une offensive. L’Ukraine en peine aujourd’hui sur le front sera encore loin de l’obtenir si elle doit compter sur ses propres soldats.
Olekseï Arestovitch, le conseiller déchu de Zelensky et expert militaire, explique qu’il ne faudrait pas que des chars, mais aussi 400 000 soldats bien équipés et entrainés pour reconquérir les territoires perdus. Or, il affirme que l’Ukraine ne les a pas, et ne les aura pas. Il conclue alors qu’un statuquo à la coréenne serait le mieux que l’Ukraine puisse espérer.
Contrairement à ce qu’on essaye de nous faire croire sur les plateaux de télévision français, l’armée ukrainienne s’épuise de jour à jour à tenter de conserver le contrôle de Bakhmout. L’essentiel de ses réserves est mobilisé dans un combat d’attrition où les Russes dominent grâce à leur artillerie.
La question des délais de livraison
En outre, la disparité des armements occidentaux fournis à l’Ukraine pose des problèmes de formation des personnels et de logistique importants, notamment pour la maintenance.
Le général Breedlove, ancien commandant suprême des forces de l’OTAN, a déclaré que les chars occidentaux risquaient d’arriver trop tard sur le champ de bataille.
L’Allemagne s’est plaint que la plupart des pays qui ont promis des chars ne les livrent pas assez vite. Et le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a alerté l’alliance sur le risque de manquer de munitions.
Quant aux 31 chars américains Abrams, ils ne sont pas annoncés avant le mois d’août, voire à l’automne, ce qui inquièterait Zelensky. Les Occidentaux craignent aussi de voir leur technologie tomber entre les mains des Russes, ce qui explique le nombre de tanks relativement limité qu’ils s’apprêtent à envoyer, mais aussi les délais de livraison.
À la différence d’une pièce d’artillerie, comme le Caesar, qui a une portée de plus de 40 kilomètres, un char d’assaut est une arme qui s’approche au plus près des lignes ennemies, et qui est donc plus susceptible d’être récupéré par l’adversaire en cas de problème.
Si les médias occidentaux ne mentionnent que les matériels russes récupérés par l’Ukraine, en fait, les deux belligérants ne cessent de récupérer des matériels adverses au grés des offensives respectives. Il suffit de voir les photos et vidéos de “trophées” qui pullulent sur Telegram pour s’en convaincre.
Le colonel Mc Gregor, un brillant expert militaire Américain qui fut conseiller du Secrétaire à la Défense sous Trump, et qui a toujours des contacts dans l’armée, a expliqué au sujet des Abrams américains que ces derniers disposent d’un blindage dont la composition est secrète.
Comme les Américains craignent que cette technologie de pointe ne tombe entre les mains des Russes, ils ne vont pas livrer de chars pris sur les stocks de l’armée américaine. Les chars qu’ils se sont engagés à livrer doivent donc être fabriqués complètement, ce qui explique ces délais de livraisons incompressibles de plusieurs mois.
Les “Léopards 2” sont livrés plus rapidement, mais avec une formation express des personnels. Le 8 mars, Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense annonçait la livraison courant mars à l’Ukraine de 21 chars Léopard 2 (18 allemands et 3 portugais). La Pologne en a déjà livré 4 et doit aussi en livrer 10 autres dans la semaine. L’ensemble (35 chars) a de quoi équiper un bataillon à trois escadrons. 80 “Leopard 1”, un char plus ancien, devraient être livrés en mai, venant du Danemark, des Pays-bas, et de l’Allemagne.
Avec quelle main d’œuvre ?
Quels sont les soldats ukrainiens qui vont utiliser ces nouveaux armements ?
Dans l’article “L’Ukraine entre culte du sacrifice, mobilisations forcées et suicides”, nous avons vu que l’Ukraine a de gros problèmes pour trouver de nouveaux soldats.
Pourquoi donc l’OTAN devrait-elle pousser le peuple ukrainien à se saigner jusqu’au dernier pour un combat dont les hommes en âge de se battre ne veulent plus ? A l’évidence, l’OTAN se fiche des Ukrainiens, qui ne sont que de la chair à canon, des pions sur le grand échiquier de la lutte entre les empires. Seuls les conformistes et les idiots utiles de la propagande otanienne, qui ont pignon sur rue dans les médias, croient aux mensonges va-t-en-guerre de Washington et Bruxelles sur la victoire au bout du fusil d’une Ukraine unie.
Ce manque de main d’œuvre compétente et motivée en Ukraine pose une autre question. Qui va piloter tous ces chars, ces blindés d’infanterie, ces systèmes de missile, ces avions que l’OTAN est prête à livrer ? On nous annonce qu’il faut des mois, voire des années pour apprendre à se servir de ces systèmes d’armes sophistiqués. Qui peut croire que la main d’œuvre qualifiée pourra être formée en quelques semaines ? Ainsi, à moins d’avoir des militaires professionnels de l’OTAN secrètement affectés à des postes-clefs, on ne voit pas comment l’armée ukrainienne pourrait utiliser efficacement tout ce qu’on s’apprête à lui envoyer.
Un officier autrichien explique qu’envoyer des soldats de l’OTAN se battre en Ukraine sous couverture du statut de mercenaire ou de volontaire étranger n’est pas compliqué. Déjà, les rumeurs courent sur le fait que des milliers de « mercenaires » polonais sont en fait des soldats d’active en congé spécial. A la fin novembre, au moins 1200 Polonais étaient déjà morts sur le front en Ukraine.
Dès la fin janvier, d’après ce post sur Télégram, des affiches sont apparues en Pologne pour recruter des tankistes qui iront se battre en Ukraine. Il est aussi avéré que des forces spéciales occidentales sont déjà sur le terrain. Le glissement vers la cobelligérance des pays de l’OTAN est quasiment acté. La livraison d’armes - dont le but est de tuer des Russes - ne va qu’accentuer le mouvement.
Et une fois qu’on ne pourra plus faire illusion, va-t-on envoyer officiellement les troupes régulières ? Ce serait dans la logique du "whatever it takes" dans laquelle les gouvernements occidentaux se sont follement engagés.
L’étape d’après, ce serait la mobilisation en Occident, puis la guerre nucléaire. "Whatever it takes !" Si les mots ont un sens, on en arriverait là. Et en France, il n’y a aucun débat sur tout cela.
Les seuls vainqueurs : le complexe militaro-industriel américain
Un article publié dans la revue stratégique Foreign Policy résume la situation : l’Ukraine n’a pas assez de troupes, et les chars arriveront trop tard.
Et les seuls qui se réjouissent de la situation sont les marchands d’armes, notamment les Américains. Une fois que l’Europe aura épuisé ses stocks et son économie, les Américains seront trop heureux de les reconstituer avec du matériel américain, si le monde ne s’est pas autodétruit dans un conflit nucléaire.
Dans ce contexte, on peut rappeler le discours d’adieu du président Eisenhower, en janvier 1961, sur le danger de l’influence du complexe militaro-industriel sur la politique américaine. Alors que les États-Unis sont quasiment en guerre perpétuelle, directement ou indirectement depuis la deuxième guerre mondiale (Corée, Vietnam, Amérique centrale, Irak, ex-Yougoslavie, Afghanistan, Moyen-Orient), comment ne pas voir la main de ce lobby surpuissant, jusqu’à aujourd’hui ?
Pour Julian Assange, le but des guerres menées par les États-Unis n’était pas de gagner, mais d’alimenter la guerre perpétuellement, pour que le fameux lobby ait une source de revenus inépuisable.
Le scénario de cette guerre en Ukraine, où la fourniture d’armements procède par étapes, semble correspondre à cette analyse. On donne juste assez pour que l’Ukraine puisse tenir tête, pour continuer le combat, pour saigner un peu plus la Russie, mais pas pour gagner. Le seul espoir qu’entretiennent les va-t-en guerre occidentaux est de faire souffrir suffisamment la Russie dans cette guerre par procuration qui utilise sans vergogne la chair à canon ukrainienne, espérant un changement de régime à Moscou. Or, l’économie russe a résisté aux sanctions et Poutine a rarement été aussi populaire.
La fin de l’hiver et le printemps ont des chances d’être décisifs dans cette guerre. L’armée russe a encore des centaines de milliers de soldats en réserve, d’après Douglas McGregor. Vont-ils attaquer avant que l’Ukraine ne reçoive tous ces nouveaux armements ? Où vont-ils attendre l’offensive ukrainienne pour mieux la contrer ?
Quoi qu’il en soit, de plus en plus de Russes ont compris que cette guerre a dépassé l’Ukraine, et qu’elle oppose la Russie à l’OTAN dans ce qui ressemble de plus en plus à une lutte à mort. Dans cette escalade qui lui impose l’OTAN, les Russes - qui ont le plus à perdre - ne vont certainement pas céder.
Cette politique d’armement sans fin de l’Ukraine, sans laisser la moindre place à la négociation, n’est donc que vaine folie. En prétendant aider l’Ukraine, l’Occident ne fait que la saigner à blanc et la pousser vers la destruction. Même les partisans sincères de l’Ukraine qui ne seraient pas aveuglés par la haine et le désir de vengeance devraient pouvoir le comprendre.
Comme le disait Henry Kissinger : "Être un ennemi de l’Amérique peut être dangereux, mais être son ami est fatal". L’Ukraine est en train d’en faire l’expérience.
Mais l’Europe risque aussi sa propre destruction dans cette guerre.