Vous avez déjà vécu ça. J’en suis certaine.
Au travail, dans votre vie perso, vous avez déjà eu très peur de rater quelque chose, de prendre une mauvaise décision. Vous avez mal dormi. Vous avez réfléchi, encore et encore, vous avez hésité. Vous savez ce que c’est que de « se mettre la pression », vous savez ce qu’est l’angoisse de mal faire, la peur de se tromper, la crainte de passer à côté de quelque chose d’important. Et si, par malheur, vous avez fait une erreur ou commis une faute, peut-être en avez-vous un jour payé le prix, peut-être vous l’a-t-on rappelé sans cesse, peut-être avez-vous été sanctionné ? À moins que, même sans répression, votre propre sentiment de culpabilité ne vous ait empêché de rebondir facilement.
Parce que, depuis tout petit, on nous a parlé des conséquences de nos actes, on nous a inculqué la notion de responsabilité, nous savons que, la plupart du temps, quand on a fauté, ou simplement failli, on doit rendre des comptes, même si ce n’est qu’à soi-même.
Tout le monde a vécu ça. C’est le jeune Randal Kolo Muani, hanté par son tir raté en finale de la coupe du monde, qui dit qu'il aura ce souvenir "en travers de la gorge toute sa vie".
C’est Lucien de Rubempré, le héros des Illusions perdues, qui verra sa carrière ruinée suite à son mauvais choix d’embrasser la cause royaliste.
Même Peter Parker, alias Spiderman n’oubliera jamais la phrase que son oncle Ben lui a soufflé avant de mourir : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».
Alors, je me demande souvent pourquoi ce qui est valable pour la plupart des gens l’est aussi rarement pour les politiques.
En ce qui me concerne, je m’en fiche un peu que Marlène Schiappa ait posé déguisée en Farfalle géante dans Playboy. Je trouve ça grotesque, mais pas scandaleux. En revanche, en tant que citoyenne, je suis bien plus contrariée par cette histoire de « fond Marianne », crée après l’assassinat atroce de Samuel Paty, afin de « lutter contre le cyberjihadisme et de défendre les valeurs de la république ». On parle tout de même de plus de deux millions d’euros de fonds publics, distribués en toute opacité à des associations dont certaines se seront contentés de produire des « mises à jour de notices », d’obscures « rédactions de ressources pédagogiques », d’invisibles « webinaires », des contenus Youtube qui auront générés une cinquantaine de « vue » et des comptes Instagram à 138 abonnés, tout en rémunérant confortablement leurs dirigeants.
Le pire, c’est que cette affaire lamentable va contribuer à décrédibiliser les associations et les bénévoles courageux qui luttent vraiment sur le terrain contre la radicalisation et le séparatisme. Ceux qu’ils sont censés combattre se frottent les mains, ils n’espéraient pas pareille aubaine. Qui évaluera ce désastre ? Qui réparera ce préjudice ?
Nous vivons dans un pays qui évalue et contrôle pourtant beaucoup, tout et tout le temps : Les chômeurs, les salariés, les écoliers, les arrêts maladies, les restaurateurs, les artisans, les non-vaccinés, les agriculteurs, les commerçants. Partout, dans les entreprises, les employés croulent sous les « tableaux de suivi avec indicateurs » à remplir tous les mois et les « évaluations de performance individuelle et collective ».
On est donc en droit de se demander comment de l’argent public peut-il être attribué ainsi, sans un solide cahier des charges et sans un contrôle permanent et constant du bon emploi des fonds.
Comme tout le monde, je souhaite que la lumière soit faite sur cette affaire. Comme tout le monde, je ne me fais aucune illusion : je me doute bien que ceux qui ont géré ce dossier avec autant de désinvolture n’auront pas vraiment de comptes à rendre. Pas plus que ne seront jamais sanctionné ceux qui depuis des décennies, ont dépecés la France, pris des décisions désastreuses, bradé sa souveraineté énergétique et économique et vendu son âme. Tout ce petit monde rebondit toujours sans peine, les ex-présidents pérorent dans des conférences à 100 000 euros, les anciens ministres distillent leurs précieux conseils dans des cabinets prestigieux et les secrétaires d’états sont reclassés dans les grandes entreprises du Cac 40.
La culpabilité, le profil bas, ce n’est pas pour eux.
Dans Spiderman, Peter Parker désespéré dit « quoi que je fasse, quelle que soit ma détermination, ceux que j’aime finiront toujours par payer ».
C’est là toute la différence avec nos politiques : Quoi qu’ils fassent, quelle que soit leur incompétence ou leur forfaiture, c’est toujours nous, qui finissons par payer.