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15 mai 2023

Dérive fascisante du macronisme

Anne-Sophie Chazaud

Chers amis,
Bien qu’assez peu présente actuellement sur ce réseau par manque de temps, je souhaite y faire part de ma vive préoccupation quant à la dégradation particulièrement préoccupante des libertés et de la démocratie dans notre pays.
Le régime dans lequel la Macronie plonge la France n’est certes pas la dictature mais ce n’est assurément plus la démocratie pleine et entière.
Depuis l’angle de la liberté d’expression, pour ne prendre que cet exemple, qui est celui sur lequel j’ai développé une certaine expertise au cours des dernières années, la situation s’avère extrêmement dégradée et cela de quelque côté que l’on regarde.
La liberté de manifester est lourdement malmenée, les arrestations arbitraires déjà massives lors de la répression du mouvement de révolte sociale des Gilets Jaunes n’ont cessé de croître au point que les observateurs et instances internationales s’en émeuvent.
Les interdictions d’appareils sonores portatifs et autres casseroles, pour grotesques qu’elles soient, traduisent néanmoins une dégradation tragi-comique de la situation.
Le spectacle lunaire d’un chef de l’État contraint de se protéger de son propre peuple par gilet pare-balles et transportant sa bunkerisation tel un escargot sa maison sur le dos dans tous les espaces publics où le malheur veut qu’il jette son dévolu pour déambuler, espaces transformés en déserts frappés d’interdits, véritables camps retranchés, vidés de leur population, en dit long sur la désintégration du climat démocratique qui ne devient plus qu’un lointain souvenir.
Pareillement, la condamnation d’un retraité pour affichage d’une banderole «emmerdant» Macron, pose question, outre la réactivation pathologique du délit d’outrage : en effet, quelle démocratie peut tolérer que le chef de l’État déclare vouloir «emmerder » une partie du peuple français, quand ce même droit est nié perversement en retour au peuple souverain ? Dès l’instant où l’obligation de respect n’est pas réciproque, nous sortons du champ démocratique pour entrer dans celui d’un régime à la fois illibéral, pathologiquement narcissique et tendant au culte de la personnalité.
Ce culte de la personnalité vient du reste d’être souligné avec la décision macroniste de rendre obligatoire la présence d’un portrait du Leader Maximo dans les mairies, lesquelles devront par ailleurs être désormais affublées du drapeau de l’Union européenne, comme un vaincu remettrait les armes de sa souveraineté aux pieds du tyran.
Parallèlement, les interdictions de rassemblement (hommages à Jeanne d’Arc, conférences, etc.) pleuvent, sous le prétexte fallacieux de l’ordre public, et, fait préoccupant, au détriment de la fameuse jurisprudence Benjamin qui depuis des décennies régissait la matière (je renvoie sur ce sujet aux lignes que j’y consacre dans mon essai jusqu’aux affaires Dieudonné – et quoi que l’on pense du personnage).
Je rappelle notamment que la liberté de se rassembler fait partie intégrante de l’usage collectif de la liberté d’expression, et qu’il appartient le cas échéant aux pouvoirs publics d’assurer par toutes diligences les conditions de l’ordre public afin que lesdites réunions se tiennent convenablement sans entraves.
Il s’agit là d’un recul extrêmement grave des libertés dans notre pays, et notons au passage qu’il suffit que l’ultra-gauche menace de troubler ledit ordre public pour que les rassemblements en question soient purement et simplement interdits : on donne donc des gages aux fauteurs de troubles tout en confisquant la démocratie. Ceux qui s’en réjouissent pour des motifs idéologiques ont tort car, tôt ou tard, dès lors que le principe est acté, leur jour d’interdiction viendra.
Dans le même temps, encore, le pouvoir tente de renforcer son contrôle des lieux d’expression que sont d’une part des médias déjà particulièrement soumis et qui ne mordent pas la main qui les nourrit, et d’autre part en tentant encore plus qu’auparavant d’arraisonner les lieux d’expression et d’information libres que sont les réseaux et médias sociaux. On a vu la Ministre de la Culture (du Ministère de la Vérité) participer à une curieuse réunion sous l’impulsion de zélés Reporters sans frontières, visant une nouvelle fois à mettre les médias au pas du discours propagandiste et promouvoir, je cite, « le journalisme constructif pour dépasser la négativité » : que sera une information non positive ? La critique du discours bien-pensant, naturellement, mais aussi et surtout, très vite, la critique de l’action de l’exécutif. On est loin, avec ces courroies de transmission gavées de subventions, du « couteau porté dans la plaie » d’Albert Londres.
Dans le même temps, la Commission européenne – qui s’arroge depuis des mois des pouvoirs qu’aucune élection démocratique ne lui a conférés – s’active en tous sens pour tenter de museler Twitter. L’affolement mais aussi la volonté inquisitoriale sont flagrants et extrêmement préoccupants.
Pour veiller à la besogne propagandiste, la lutte contre les pseudo-fake news est puissamment réactivée par des personnages le plus souvent douteux, dépourvus de toute légitimité académique et se caractérisant principalement par leur adhésion à l’action gouvernementale.
La disqualification des discours d’opposition, des discours critiques bat son plein dans un climat général où, de toute façon, lorsque par miracle certains parviennent à faire émerger un réel non propagandiste, l’environnement de post-vérité qui caractérise désormais notre société rend cette révélation inopérante : on peut sortir tous les scandales que l’on veut (fonds Marianne par exemple pour le plus récent), pointer vers toutes les injustices, démontrer par A+B que le réel n’est pas celui que le pouvoir donne à entendre, la plupart des citoyens, demeureront indifférents à ce dévoilement lequel n’emportera donc aucune conséquence, tandis que les Éveillés seront embastillés d’une manière ou d’une autre.
Les libertés académiques continuent pareillement de reculer comme le démontre la censure dont fait par exemple l’objet Florence Bergeaud-Blackler qui a dénoncé les réseaux fréro-salafistes.
De même, un enseignant de philosophie comme René Chiche est suspendu pour avoir tenu un discours ne convenant pas au pouvoir exécutif, et l’on s’appuiera ici pour le museler sur l’obligation de réserve dont on sait bien qu’elle n’est utilisée qu’à des fins idéologiques et de manière hémiplégique, commode prétexte à la police politique. L’on ignore s’il sera condamné à boire la ciguë.
Bref, je pense important, bien que j’avais hélas déjà dénoncé toutes ces dérives – je ne suis pas ici exhaustive – ainsi que la matrice structurelle qui les anime, dans mon essai sur la liberté d’expression, de camper le paysage particulièrement sinistré dans lequel la Macronie plonge notre démocratie un peu plus chaque jour.
J’affirme pour finir sans la moindre ambiguïté que cette dérive est de nature fascisante.