Mais quelle mouche le pique ? Dilaté comme jamais, un ministricule du gouvernement dont personne ne connaissait l’existence jusqu’à présent exprime tout soudain le désir de bannir Twitter de l’internet sinon européen, au moins français.
L’information, rapportée avec ferveur par l’habituelle presse de révérence et gluante d’obséquiosité, laisse peu de place au doute : un certain Jean-Noël Barrot qui, selon ce média, serait le ministre français délégué au numérique, se serait déclaré en faveur de bannir Twitter de l’Union européenne si ce réseau social devait refuser de se conformer aux règles que cette dernière entend lui imposer.
Pour le ministricule, c’est très simple : tout manquement aux règles édictées dans l’Union provoquera des sanctions sévères, comprenant des amendes pouvant aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaire mondial de la société concernée voire le bannissement pur et simple de la plateforme d’Elon Musk.
Cette réaction du commis de la République tout excité s’explique par la très récente décision du milliardaire, patron de Twitter, de sortir officiellement sa plateforme du code de bonnes pratiques de l’Union européenne contre la désinformation en ligne. Cette espèce de charte lancée en 2018 contient une quarantaine d’engagements visant à gonfler l’importance de fact-checkers plus ou moins officiels et à ralentir, voire priver de diffusion, les sites ou les internautes diffusant ce qui est alors commodément qualifié de désinformation ou “d’infox” selon la terminologie actuellement à la mode.
Jusqu’au rachat par Musk de la plateforme, l’équipe en place n’avait eu guère de difficultés à suivre ces engagements puisqu’il s’agissait essentiellement de faire taire tout discours dissident, aussi argumenté soit-il, dès lors qu’il sortait des canons officiels autorisés. On a d’ailleurs compté nombre de scientifiques, journalistes et autres chroniqueurs de renom bannis de la plateforme pendant ces dernières années au prétexte qu’ils violaient les règles d’utilisation de Twitter, règles qui s’inscrivaient confortablement dans ces engagements européens.
Depuis, l’arrivée de Musk à la tête de Twitter a prodigieusement agacé l’ensemble des dirigeants de l’Union européenne ainsi que de différents gouvernements, français en tête : il est en effet rapidement apparu que la nouvelle direction prise par le réseau social consistait à favoriser d’abord la liberté d’expression et la recherche de la vérité (avec tous les problèmes et toutes les difficultés que cela peut comporter) avant de considérer la communication officielle des politiciens et de leurs affidés, fact-checkeurs en premier.
Cette libération de Twitter – vis-à-vis de l’étroit carcan dans lequel ces chartes, codes et autres lois limitant la liberté d’expression enfermait la plateforme – fut d’ailleurs l’occasion de publier plusieurs intéressants dossiers (les Twitter Files dont ces colonnes ont relaté quelques aspects) qui eurent le bon goût d’exposer le niveau assez stupéfiant de corruption des élites mondiales, la tendance incroyable des fact-checkers à devenir des fake-makers, la connivence galopante entre les grosses industries et les politiciens, et l’abandon de tout effort démocratique afin de puissamment cornaquer voire carrément manipuler les foules dans les directions décidées unilatéralement par des entités internationales dénuées de toute base démocratique et parfaitement imperméables aux aspirations réelles des peuples sous leur férule.
Il va sans dire que ceci n’a pas du tout plu : sentant qu’il allait devenir singulièrement plus compliqué d’ourdir discrètement des mesures liberticides si une ou plusieurs plateformes d’importance venaient à servir de porte-voix pour une dissidence et une opposition de plus en plus audibles, l’élite autoproclamée tente donc de reprendre la main.
Dans ce contexte, la récente déclaration d’un Thierry Breton, commissaire européen élu par personne, donne une bonne idée de l’infatuation dans laquelle nos dirigeants se vautrent avec plaisir : dès la prise de pouvoir de Musk sur Twitter, ce dernier n’avait pu s’empêcher de rappeler qu’il entendait limiter les libertés de la plateforme. Avec ce récent abandon du code contre la “désinformation”, le même commissaire met le turbo et déclare sans sourciller qu' ”Elon peut courir mais pas se cacher”, autre façon de dire que lui, ses petites pulsions de censure et son appareil législatif entendent bien le poursuivre jusque dans les chiottes à la moindre infraction.
Or, alors qu’une vague de lois liberticides sans précédent s’installe dans les pays membres de l’Union, à partir du 25 août prochain, le nouveau paquet législatif dit “Digital Service Act” rentre en application et Breton compte bien tout faire pour bouter Twitter hors d’Europe ou, au moins, le faire rentrer dans le rang.
D’une certaine façon, le frétillant Kommissaire Politique Breton joue sur du velours : il sait que Musk ne dispose pas d’autant de latitude qu’il pourrait en souhaiter, tant le choix se réduit en matière de diffusion d’information sur sa plateforme entre un bannissement complet sur des pans entiers de territoire ou accepter les (souvent nombreuses) demandes de suppression de contenu, la France se situant d’ailleurs et sans surprise en tête dans les États les plus répressifs en la matière.
Cependant, les commissaires autocratiques européens et les petits ministricules français auraient tort de se réjouir trop vite : si Musk se doit effectivement de composer, au jour le jour, avec leurs pulsions de censure, la menace d’un bannissement de l’Europe toute entière pourrait jouer contre eux.
D’une part, le patron de Twitter pourrait choisir d’appliquer très scrupuleusement la nouvelle loi mise en place. Il va sans dire qu’au vu des performances historiques en matière de faits pour la plupart des comptes Twitter de membres du gouvernement ou de journalistes, la plupart seraient assez rapidement bannis : à ce petit jeu, la première désinformation provient sans conteste des menteurs pathologiques gouvernementaux comme Véran ou Macron ou des corrompus journalistiques, les fact-checkeurs n’étant jamais en retard d’une infox (quand ils ne détournent pas les fonds de Marianne).
D’autre part, il n’échappera à personne qu’une censure massive, au niveau de toute l’Union, pourrait avoir de nombreux effets de bords que les technocrates du calibre de Breton semblent incapables d’envisager : non seulement, on doit se demander si ce genre de tentatives de censurer Twitter ne va pas se transformer en guerre de tranchées juridique dans chacun des États membres, mais en plus doit-on noter qu’un bannissement total de cette plateforme risque d’agacer quelques dizaine de millions d’internautes européens d’un seul coup, parmi lesquels des entreprises, des associations aux militants pas toujours calmes, des journalistes et toute un grosse partie de cette classe jacassante qui a toujours su se faire entendre…
Le retour de bâton pourrait être croquignolesque à observer.
Enfin, il sera difficile d’oublier que la plupart des mesures techniques visant à censurer des plateformes déjà largement implantées au sein des populations se sont jusqu’à présent toutes soldées par des échecs cuisants : le peer-to-peer et le piratage n’ont aucun souci à se faire, Rumble – bien qu’interdit en France – reste très facile d’accès au travers de contournements techniques triviaux à mettre en place, etc. Il y a fort à parier que si bannissement il y a, il sera très partiel, très contourné et puisse transformer l’ensemble de l’exercice en une coûteuse futilité supplémentaire.
Autrement dit, le bras de fer qui pourrait se mettre en place pourrait révéler et coûter beaucoup plus que ce que les politiciens imaginent à présent.