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29 juillet 2023

La France a-t-elle besoin d’un dauphin ?

Maxime Tandonnet

Emmanuel Macron a évoqué mardi depuis Nouméa la possibilité que son ancien premier ministre Edouard Philippe puisse « prendre le relais » à l’Élysée en 2027, en se disant soucieux « qu’il y ait vraiment une suite » à sa propre action. Comme beaucoup d’informations d’apparence anecdotique, celle-ci est révélatrice d’une certaine conception du pouvoir politique. Dans l’histoire de la République française depuis 1870, il me semble que jamais (à vérifier, je peux me tromper), un chef de l’État n’a ainsi publiquement et ouvertement désigné un successeur possible. Même Charles de Gaulle, (me semble-t-il) ne s’est jamais prononcé officiellement et ouvertement en faveur de Georges Pompidou. Ce dernier a fait un jour allusion à sa succession privilégiant VGE contre Chaban Delmas, mais c’était en comité rigoureusement privé devant les instances des RI et purement allusif : il ne l’a pas désigné nominativement. Mitterrand non plus n’a pas fait le choix d’un successeur, pas plus que Chirac qui n’a jamais dit (de mémoire) que de Villepin ou Sarkozy pourraient lui succéder. Pourquoi ? Parce que les chefs de l’État gardaient jusqu’à présent un certain respect, ou respect minimum pour le peuple. En démocratie, c’est à lui de choisir librement ou souverainement. Un président n’a pas à se donner de successeur. D’ailleurs un minimum de décence démocratique fait qu’aucun président n’a jamais magnifié sa propre « œuvre » au point de juger vitale ou indispensable sa poursuite, se proclamant ainsi irremplaçable. L’exception de Pétain se donnant un dauphin en 1940 (Laval, puis l’amiral Darlan) est justement non républicaine puisque le régime avait aboli la République. Alors bien sûr, des élections au suffrage universel auront lieu pour confirmer le choix du successeur. Mais dans la configuration que le président actuel a à l’esprit – son successeur contre les « extrêmes » diabolisés, l’issue ne doit faire aucun doute. Les médias y veilleront. Nous avons ici un signe supplémentaire du glissement d’un système politique dans le narcissisme outrancier au détriment de la démocratie et du bien public. Le principe est de compenser par le culte d’un individu l’effondrement d’une nation sur à peu près tous les plans et la faillite d’une politique – qui doit d’ailleurs beaucoup à ce fameux M. Philippe.