Travaille, tu pourras tout t'acheter ! Tout, sauf le temps qui passe et que tu perds à gagner ta vie.
Un jour j’ai joué au Monopoly. Je lançais les dés sans rien acheter contrairement à mes partenaires de jeu, excités par l’acquisition des maisonnettes de plastique vert dans les quartiers les plus cotés du plateau en carton. « Tu vas perdre ! » me disaient-ils, à quoi je rétorquais que j’étais certain de gagner. Au bout de quelques tours, en continuant de ne rien acheter, je perdis effectivement. Propriétaire de rien, je dus quitter le jeu. « On t’a bien dit que tu perdrais ! ». « Cela dépend de l’objectif que je m’étais fixé ! » répondis-je. Mon objectif était de quitter cette table le plus vite possible pour aller faire des choses plus sérieuses : penser à la société idéale, chercher la cause des causes de tous les maux du monde des hommes, élever ma conscience en méditant sur moi-même ainsi que sur l’Univers qui m’entoure, chercher ma place dans cet Univers, me demander si un cerveau conscient ne serait pas un plus grand spectacle qu’un Univers inconscient, tenter de comprendre ce qu’est un être vivant, ce qu’est l’Homme et de découvrir s’il dispose d’un libre arbitre. Bref, jouer au Monopoly ne valait pas la chandelle, je préférais lire les penseurs de ces vingt derniers siècles.
En quittant le jeu, je gagnai ma liberté et les moyens d’utiliser le temps qui m’a été offert pour grandir en tant que personne. Et toi, lecteur, tu utilises ce temps si précieux pour jouer au « Monopoly » avec des vrais billets de banque ! Même si tu fais grandir ton patrimoine immobilier et ton compte en banque, tu as perdu d’avance ! Ta réussite, ta brillante carrière n’a de valeur que dans ce « jeu » ! Ce « jeu » dont les règles ont été inventées par des hommes, de simples hommes ! En prenant de la hauteur, juste un petit peu, en sortant de ce « jeu », ta réussite n’est rien ! Tu as gagné et mis de côté de la monnaie de singe dans une société fondée de toutes pièces par des grands singes, des Homo sapiens ! Au sein même de cet Univers, le clochard qui pense et médite, celui-là même qui a fait son Cogito, qui a compris qu’il était la conscience de l’Univers, est infiniment au-dessus des plus haut placés de ce « jeu » si ces derniers ne visent rien d’autre qu’une belle carrière à l’intérieur de cette société, de ce « jeu de société ». Telle est ma vision du monde dans lequel je vis, ce monde où l’on passe ses journées à courir derrière l’argent et à consommer à tout-va.
Bref, j’ai joué au Monopoly. En pleine partie, j’ai levé les yeux au ciel, j’ai contemplé les étoiles en méditant, puis j’ai quitté la table de jeu. On m’a dit : « Tu es fou, où vas tu ? ». « Faire des choses plus sérieuses, les fous, c’est vous qui lancez des dés du matin au soir jusqu’à la veille de votre mort ! ».
Travaille, mon ami, et tu pourras tout t’acheter dans ce monde où l’on a coutume de répéter que « le temps c’est de l’argent ». Oui tout, sauf le temps qui passe et que l’on perd à gagner sa vie ! Mais quel triste monde que celui où l’on réduit le temps à de l’argent !
Le Monopoly. Livre 1