22/8/2017 - Il ne m’a pas échappé que le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer affiche une entente cordiale et une collaboration efficace avec son homologue de la culture, ce qui est une excellente chose à tout point de vue. Aussi voudrais-je en profiter pour les interpeller conjointement et leur soumettre une proposition qui, sans être onéreuse d’un point de vue budgétaire, serait néanmoins susceptible de produire des effets très positifs dans le quotidien de l’école, et à plus long terme dans celui de la nation. On a trop souvent l’impression, quand on entre dans un établissement scolaire, de mettre le pied dans l’antichambre de Pôle emploi, tant les bâtiments, à l’exception de rares écoles implantées dans des monuments classés ou dignes de figurer à l’inventaire des monuments historiques, sont en général sans âme et n’inspirent aucun sentiment particulier, alors que la disposition des affects et la préparation de l’imagination sont si indispensables à l’activité intellectuelle. Il faudrait que, dès qu’on pénètre dans un établissement scolaire, on sache immédiatement qu’on se trouve dans un lieu de culture et même, à vrai dire, de haute culture. Le moyen en est fort simple : il suffirait d’orner les couloirs et les salles de classes de belles reproductions d’œuvres, de citations bien choisies et à la typographie soignée, afin que partout où le regard se pose, ce dernier y trouve quelque chose à admirer. Ainsi, même dans la mémoire de l’élève le plus distrait cessant d’écouter le maître viendrait s’inscrire une de ces formules que des générations d’admirateurs ont conservées tant parce qu’elles ont enrichi la langue commune en donnant aux mots usuels une nouvelle profondeur que parce qu’elles sont elles-mêmes un trésor de nouvelles pensées. Les salles de classes également devraient être toutes baptisées, à l’instar des célèbres amphi Descartes et salle Cavaillès de la Sorbonne, du nom d’un de ces grands hommes et femmes dont le legs nous nourrit à chaque instant, qu’on le veuille ou non et qu’on le sache ou non, comme le philosophe Comte, en inventant la sociologie, l’a si justement remarqué, en identifiant la société au Grand-Etre c'est-à-dire à l’Humanité. Suivre un cours de mathématique en salle Euclide ou Fermat et un cours d’histoire en salle Michelet ou Thucydide, c’est tout de même autre chose qu’aller en 118 ou en 203 ! Laisser négligemment ses yeux errer sur le système géocentrique de Ptolémée en cours de physique, c’est tout de même mieux que plonger un regard vide sur les dalles froides et préfabriquées de murs et de plafonds qui sont communs aux écoles, aux hôpitaux et aux services administratifs des préfectures de province ! Et s’il faut des mécènes pour en équiper tous les établissements de France et de Navarre, gageons que Vinci ou Bouygues se précipiteront, quitte à vouloir apposer leur logo au bas des panneaux, lesquels seront éclipsés par les merveilles qui y occuperont malgré eux la plus belle place ! Faire des écoles d’ostentatoires établissements de culture, ce serait, Madame et Monsieur les Ministres, en faire les premiers remparts contre la folie fanatique qui se revendique de ce que bon lui semble et prospère comme le chiendent dans les esprits qu'on laisse en jachère !