22/11/2023 - Les responsables israéliens sont mécontents. TikTok favoriserait trop les sentiments pro-palestiniens à leur goût, au détriment du soutien à Israël. Mais comme l’explique Catilin Johnstone, alors que des enfants sont massacrés par milliers à Gaza, le problème ne vient pas de TikTok. Pour Israël, le problème est que de nombreux jeunes à travers le monde n’ont pas encore perdu toute dignité morale.
Personne n’est prédisposé à soutenir une campagne de bombardements génocidaires qui tue des enfants par milliers. C’est une forme de compromission morale qui s’acquiert au fil du temps.
Tout au long de sa vie, un partisan d’Israël se voit offrir le choix : sacrifier une partie de sa conscience ou arrêter de soutenir Israël.
Ce choix lui est présenté chaque fois qu’il voit infliger à des Palestiniens des traitements qu’il n’accepterait pas pour lui ou ses proches. Cela peut être des bombes, des manifestants abattus par des snipers, des personnes chassées de leur maison, des organisations de défense des droits humains qui déclarent l’une après l’autre qu’Israël est un État d’apartheid, des histoires sur le racisme et les persécutions subis par les Palestiniens en Cisjordanie, ou encore des témoignages sur l’horreur de la vie que mènent les habitants de Gaza bien avant déjà la dernière série de massacres.
Ces informations sont incontournables à notre époque. Vous pouvez détourner le regard, vous pouvez essayer de vous en isoler dans une forme de bulle idéologique. Mais de temps à autre, l’information trouvera inévitablement son chemin dans votre champ de perception.
Et chaque fois que vous y êtes confronté, vous devez choisir : compromettre votre sens moral personnel un peu plus qu’il ne l’était déjà, ou abandonner votre soutien à Israël.
Un par un, vous découpez des morceaux de votre propre moralité pour éviter le malaise psychologique connu sous le nom de dissonance cognitive et qui va nécessairement de pair avec tout changement radical de la vision du monde. Puis, sans vous en rendre compte, vous vous retrouvez à refuser un cessez-le-feu qui pourrait stopper un assaut meurtrier ayant déjà tué des milliers d’enfants.
Au fond de vous, vous savez que vous faites fausse route. Vous savez que vous n’étiez pas comme ça au départ, vous savez que vous n’êtes pas censé vivre votre vie de cette manière. Mais vous étouffez cette petite voix intérieure par d’autres, beaucoup plus fortes, qui résonnent dans une société moderne industrialisée et qui souvent reçoivent des millions de dollars par an pour vous dire que votre vision du monde est la bonne.
C’est la raison pour laquelle il existe un fossé générationnel aussi important sur la question israélo-palestinienne ; les jeunes n’ont pas passé beaucoup de temps à éroder leur boussole morale pour en faire un bibelot sans valeur. Et ils ne consomment pas suffisamment de médias mainstream pour être convaincus que cela en vaudrait la peine.
Les jeunes n’ont pas été suffisamment endoctrinés dans une indifférence dépravée à l’égard de la souffrance des autres.
Dans un récent communiqué, TikTok rejette les accusations de la droite selon lesquelles ses algorithmes favoriseraient la Palestine et encourageraient les sentiments anti-israéliens. En réalité, si les sentiments pro-palestiniens sont si populaires sur la plateforme, c’est parce que les jeunes s’opposent statistiquement beaucoup plus à Israël que les générations plus âgées.
TikTok écrit ce qui suit :
"Le soutien à Israël (par rapport à la sympathie pour la Palestine) est plus faible chez les jeunes Américains depuis un certain temps. C’est ce que montrent les données des sondages Gallup sur les millennials depuis 2010, bien avant que TikTok n’existe. Un sondage Gallup de mars 2023, avant la guerre, montre que les jeunes adultes ont rapidement changé d’attitude à l’égard du conflit israélo-palestinien."
Un document audio a fuité et a été obtenu par le Tehran Times. On y entend le directeur de l’Anti-Defamation League, Jonathan Greenblatt, déplorer la perte de la génération Z au profit du sentiment pro-palestinien.
"Mais je tiens également à souligner que nous avons un gros, gros, gros problème générationnel", se plaint Greenblatt à ses collègues. "Tous les sondages que j’ai vus – ceux de l’ADL, de l’ICC, les sondages indépendants – suggèrent qu’il ne s’agit pas d’un fossé entre la gauche et la droite. La question du soutien des États-Unis à Israël n’est pas celle de la gauche et de la droite, mais celle des jeunes et des vieux."
Et Greenblatt d’ajouter : "Nous avons vraiment un problème Tik-Tok, un problème Gen-Z."
En réalité, ce que Greenblatt et ses associés ont, c’est un problème de moralité. Ils sont confrontés à un vaste groupe de personnes qui n’ont pas été endoctrinées pour accepter la folie et mutiler leur propre conscience au fil des ans ; ces personnes sont en mesure de constater le massacre de civils à Gaza avec un regard clair.
Et c’est vraiment tout ce dont vous avez besoin pour voir le massacre de Gaza pour ce qu’il est : un regard clair. Un seul coup d’œil, sans distorsion de la propagande ni préjugés cognitifs. C’est tout ce qu’il faut.
Le problème d’Israël, ce n’est pas que la propagande incite des gens à le détester ; c’est que la propagande n’incite pas les gens à le soutenir. Leur problème ne relève pas d’une influence malveillante, mais d’un manque d’influence.
De fait, il n’y a pas trente-six façons de tourner le meurtre de milliers d’enfants. Et toute l’obscurité médiatique du monde ne suffit pas à berner les regards neufs qui sont prêts à voir.