J'sais pas vous, mais moi, j’ai comme une impression bizarre : plus les années passent, et plus Noël perd sa douceur acidulée aux essences de mandarine, pour prendre le goût un peu amer d’une écorce d’orange dans laquelle on croque. Est-ce la faute des anniversaires qui s’égrènent comme un compte à rebours qui fout les boules ? Ou celle du silence des absents qui couvre parfois les rires des enfants ? Qu'importe.
Alors, pour avoir le smile autour du sapin, je vous propose un petit jeu. Un parcours ludique à travers les préparatifs et tous ces moments que l’on apprécie plus ou moins. En mode "Koh-Lanta au pays de Noël". Vous me suivez ?
Mission 1 : Accéder au monde enchanté
Faire ses courses à quelques jours de Noël, c’est un peu comme s’attaquer à Winterfell, le château de "Game of Thrones" : c’est long, épuisant et dangereux. Heureusement que dans les longs cortèges de voitures qui mènent à nos villes transformées en forteresses imprenables, on peut admirer de beaux paysages, aussi merveilleusement enneigés...que ceux des Antilles à la même époque. Une fois arrivé au centre-ville, il ne reste plus qu’à trouver un endroit pour se garer. Et se faire très vite enguirlander par des automobilistes dans un langage qui traduit leur esprit de paix et de fraternité : "tu crois au Père Noël, abruti ?" ou encore "si tu te mets là, je te fous mon moufle dans la tronche !". Atmosphère, atmosphère…
Mission 2 : Affronter des hordes sauvages
Sur place, il faut alors traverser un lieu hautement stratégique, celui de l'inévitable "marché de Noël" qu'on trouve désormais dans tous les patelins, et qui concentre des foules de toutes les couleurs et de toutes les langues. Une vraie cour des miracles qui grouille de personnages meuglant et beuglant, mugissant et rugissant. Certains d'entre eux sortent tout droit de la série "Vikings" avec leurs casques clignotants qui les font paraître si brillants. D'autres viennent de quitter leur appartement loués chez Herbie Henbee. Les voilà partis pour déguster cette potion tragique qu'on sert souvent en guise de vin chaud.
Mission 3 : Survivre en terre hostile
Après le centre-ville, un petit passage en zone commerciale s'impose. Le samedi après-midi, ça vaut son pesant de bredalas. Effervescence assurée. Effluves d'essence aussi. Y a pas à dire, on prend vraiment son pied en roulant au pas ! Quand enfin on pousse les portes d'une grande surface, c'est pour entrer sur l'air de "vive le vent" diffusé en rythme et en volume boîte de nuit. À quand le Père Noël au milieu des Village People ? C'est sûr, avant de partir, il faudra bien le couvrir.
Mission 4 : Se nourrir de produits locaux
Après ce voyage en terre incongrue, l'estomac se mettra sans doute à crier famine. Pour poursuivre l'aventure, on ira alors dîner dans l'un de ces restaurants qui attirent les touristes comme des pigeons. Là où l'on réussit à faire rimer "authentique" avec "exotique", et où l'on propose des plats traditionnels cuisinés façon Hon'séou par Hon'séki. Mais on peut aussi se restaurer devant cette jolie petite cabane du marché de Noël, là où ces mêmes plats seront consommés en mode mange-debout... puis tombe-par terre au moment de payer. On appelle ça sans doute "avoir l'embarras de choir".
Mission 5 : Décrocher le totem d'immunité
Un privilège spécial sera accordé à celui ou à celle qui aura réalisé un fait retentissant durant ces jours qui précèdent Noël. En vrac, voici quelques exploits qui susciteront l'admiration de tous : penser aux piles pour le jouet électronique du petit dernier, faire enfin sourire le grand premier, choisir un cadeau utile pour la belle-mère, décorer le sapin en famille et dans la bonne humeur, faire ses derniers achats alimentaires sans avoir des envies de meurtre, ne pas faire tomber le soufflé, supporter le beau-père quand il parle politique, etc...
Mission 6 : Profiter du réveillon
Sans doute la plus agréable et la plus belle mission de toutes. Pas forcément la plus simple, compte tenu de toutes les embûches de Noël. Mais on y croit. Et surtout, je nous le souhaite. Car par les temps qui courent, les moments de bonheur ne se ramassent pas à la pelle.
"Chroniques du monde d'avant" - 25 novembre 2018