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26 décembre 2023

Yann Thibaud

Plus je réfléchis et plus je m'informe sur la question israélo-palestinienne, et plus je suis partisan, à rebours de l'opinion généralement émise par nos responsables politiques, de la « solution à un Etat », en particulier parce que la « solution à deux Etats » (instituant deux Etats séparés, un pour Israël, un pour la Palestine) semble aujourd'hui totalement inapplicable, en raison notamment du caractère passablement disloqué du territoire palestinien, coupé en deux et aux frontières erratiques pour ce qui est de la Cisjordanie.
Mais cette solution à un Etat aurait pour corollaire indispensable l'instauration d'une parfaite égalité de droit pour tous ses habitants, quelles que soient leur ethnie ou leur confession, qu'ils soient juifs, arabes, musulmans, chrétiens ou même athées.
Ce qui semble être une évidence pour nous autres français, membres d'une nation fondamentalement universaliste, qui tolère difficilement différences de traitement et discriminations.
Mais il en va tout autrement de la nation israélienne, puisqu'elle s'est tout au contraire fondée sur l'idée d'un Etat pour le peuple juif, ce qui conduit à n'accorder qu'un statut de citoyens de seconde zone aux autres habitants de l'Etat d'Israël.
Disons-le tout net : depuis sa fondation, Israël entretient de la sorte une politique d'apartheid, puisque, comme l'explique brillamment Shlomo Sand, être juif confère sur ce territoire un statut privilégié, soit l'exact opposé de ce que les juifs ont subi au sein de la diaspora, depuis deux millénaires.
Autant il est donc légitime que les juifs possèdent, quelque part sur la planète, une terre, un Etat où ils puissent vivre libres et protégés des persécutions dont ils ont été, depuis tout ce temps, cruellement victimes, autant il me semble illégitime que, pour ce faire, les autres habitants de ce territoire soient, quant à eux, privés de ce droit tout à fait élémentaire.
L'instauration d'une solution à un Etat, viable et pérenne, implique donc que soit remise en cause la charte initiale implicite de l'Etat d'Israël, c'est-à-dire l'idée selon laquelle Israël est un Etat juif, pour les juifs et uniquement pour eux ou bien principalement pour eux, les autres humains n'y étant que tolérés, et devant subir toutes sortes de vexations, d'humiliations et de discriminations.
Autrement dit, la résolution du conflit actuel impliquerait qu'Israël applique l'idéal de fraternité humaine, qui devrait être la conséquence de toute spiritualité authentique.
Mais il se trouve que cet idéal vient heurter de plein front les conceptions religieuses, de plus en plus prégnantes aujourd'hui sur ce territoire.
Ce qui montre et démontre clairement, s'il en était besoin, la différence fondamentale entre spiritualité et religion.
La situation ne pourra donc se dénouer que par une mutation, une transformation essentielle et radicale de la mentalité israélienne aujourd'hui dominante, ce qui fait dire à la grande majorité des spécialistes, que la situation est inextricable et ne peut, en tout cas pour le moment, aller vers une solution, pourtant si ardemment souhaitée et souhaitable pour les deux peuples qui souffrent, d'une manière différente, des horreurs qui se déroulent dans cette partie du monde.
Le théâtre israélien et ce qui s'y déroule aujourd'hui, apparaissent ainsi comme le concentré de toutes les folies qui ravagent aujourd'hui le monde. Et c'est la raison pour laquelle cette situation et cette histoire m'intéressent et me fascinent autant, et je crois ne pas être le seul.
Car, le jour où une solution y sera trouvée et fonctionnera effectivement, alors c'est la planète entière qui retrouvera le chemin de l'harmonie, de la paix et du bonheur humain.
Israël apparaît donc comme un enjeu et un défi inouïs pour chacun de nous : comment sortir de l'engrenage infernal de la haine, de la guerre et de la destruction ?
Tout être conscient se pose évidemment, avec angoisse et inquiétude, cette question, et se trouve, de ce fait, confronté et mis devant sa propre responsabilité : comment allons-nous contribuer à mettre un terme à tant d'obscurité ? Comment allons-nous ramener la lumière, l'intelligence, la bonté et le règne du sentiment sur cette terre ?
La solution me semble être d'une évidente clarté : nous ne pourrons mettre un terme au choc titanesque des fanatismes religieux, qui ensanglantent et terrorisent les peuples, un peu partout et particulièrement en cette contrée emblématique, qu'en inventant une spiritualité non-religieuse, c'est-à-dire non-fanatique, car non-dogmatique.
À partir du moment où les êtres humains, au lieu de croire naïvement et servilement tout ce qu'on leur raconte, depuis leur tendre enfance, commenceront à penser par eux-mêmes, affranchis de toute la littérature nauséeuse des prétendus textes sacrés, alors l'espoir reviendra sur terre, alors le cœur redeviendra la mesure de toute chose et la source des comportements humains, alors nous pourrons réellement construire un nouveau monde, un monde pacifié, pacifique et heureux.
Une révolution intérieure, individuelle et collective, une révolution de la pensée, innervée cette fois non plus par la soumission à l'ordre établi, mais par la voix intérieure de l'être profond de chacune et chacun d'entre nous, est assurément requise aujourd'hui pour mettre fin à toute la violence et toute la folie de ce monde.
Révolution improbable et impossible, dira-t-on.
Ce n'est pas si sûr, car les peuples ont aujourd'hui ardemment soif d'autre chose que de la répétition indéfinie des impasses et des illusions, dans lesquels ils se trouvent aujourd'hui plongés et englués.
Et aussi parce que la situation d'Israël va bientôt devenir intenable, en raison du discrédit et de la désapprobation générale, dans le monde entier, qui sont la conséquence fatale des massacres qui se déroulent actuellement, sous nos yeux effarés et impuissants.
Oui, nous vivons assurément la fin des temps, la fin d'un temps d'oppression et d'injustice, qui va jusqu'à devenir totalement inacceptable et insupportable, en vue de l'instauration, la naissance et l'éclosion d'un monde différent, processus qui n'aurait pas été possible précisément sans l'exposition aux yeux de tous d'un spectacle aussi insoutenable.
Voilà pourquoi je pense que, en dépit des apparences, tout se déroule comme prévu, car rien n'arrive sans cause et sans raison en ce monde, et les événements les plus effroyables débouchent, in fine, sur un enseignement et une transformation de la mentalité des peuples, soit exactement ce qui est requis aujourd'hui pour changer la vie sur terre.
En effet, l'exacerbation de l'abjection conduit nécessairement à son extinction, à sa disparition, car les périodes où s'accumulent les horreurs se trouvent toujours suivies par des moments de renaissance et de refondation.
Voilà donc, à mon avis, ce qui nous attend : une métamorphose et une guérison de ce monde, une manifestation enfin des espoirs qui habitent et animent le cœur de l'humanité.