Le 16 février, on a perdu un très grand peintre de la vie russe, le photographe Dmitry Markov, mort à l’âge de 42 ans.
Un artiste dostoïevskien, dont le monde artistique révèle la misère, la solitude, l’injustice subie, la souffrance transcendante et l’intuition christique de petites gens – tous les thèmes chers à l’auteur des « Humiliés et offensés ».
L’homme au destin et au visage de l’un des personnages du grand Dostoïevski, Dmitry Markov a passé une bonne partie de sa vie dans des orphelinats, apportant particulièrement son aide aux adolescents aux conduites addictives. Le réalisateur Kirill Serebrennikov l’a appelé notre Cartier-Bresson national qui a réussi à attraper, avec son smartphone, l’âme russe, difficilement saisissable, cachée derrière une façade de maussaderie ostentatoire, d’indifférence feinte, de tristesse infinie…
Quelques jours avant son décès, Markov, réagissant à une salve d’insultes qui lui avaient été adressées, a écrit : "Contrairement à ceux qui sont partis, moi, qui reste ici, je ne peux pas déshumaniser les êtres qui m’ont toujours été chers, me mettre à les haïr subitement, arrêter d’avoir de la compassion pour eux. Je comprends que cela me rend haïssable pour certains. Je ne sais pas comment me conduire correctement dans cette situation, comment être bon pour tout le monde, et est-ce seulement possible ?"
Plus que la Russie éternelle, il a réussi à saisir et à transmettre la miséricorde éternelle qui luit dans le regard qu’il porte sur sa contrée et ses protagonistes. Puisse-t-elle demeurer avec nous, en nous.