Michel Rosenzweig
Depuis sa mise en ligne aujourd'hui à minuit, beaucoup de commentaires circulent et même de fausses traductions, dont une qui évoque la guerre à Gaza et Israël, alors que ce sujet n'est jamais abordé dans l'interview. Le compte de Zoé Sagan notamment ainsi que d'autres se sont engouffrés dans la fabrication de faux avérés. Lamentable.
J'ai donc consacré deux heures à regarder attentivement cette entretien troublant, passionnant et même fascinant à certains égards.
Mais sans aucune naïveté.
Poutine, c'est l'histoire d'un petit voyou de St Pétersbourg devenu chef de bande, puis chef de clan, kagébiste et enfin président du plus grand pays de la planète.
Poutine c'est aussi l'enfant qui a grandi dans la famille des voisins, une famille juive pour laquelle il gardera une certaine gratitude, ce qui ne l'empêchera pas de soutenir aussi les islamistes par pur opportunisme politique.
Mais Poutine c'est surtout un homme (chef de clan et parrain) déçu et blessé qui voulait entrer dans le club du camp adverse pour faire alliance avec lui, le club de l'OTAN qui n'a pas voulu de lui, comme l'illustre ici le court extrait.
Dans cet entretien on ressent bien cette blessure, ce ressentiment et le rejet vécu par celui qui voulait collaborer avec l'Occident et en faire partie tout en gardant son identité et sa souveraineté.
C'est donc un homme déçu et trahi qui s'exprime ici et qui justifie son opération militaire spéciale en Ukraine comme l'ultime moyen de se faire entendre et de préserver la sécurité et la souveraineté du pays dont il a la charge.
Il faut saluer la manière dont cet entretien a été mené par Tucker Carlson, probablement téléguidé par Trump, même s'il est évident que ce dernier a de la sympathie pour le Maître du Kremlin et un parti pris évident, aucune agressivité, des questions essentielles (mais aucune question qui fâche évidemment), une évidente naïveté de sa part qui trahit pas mal d'ignorance, beaucoup de complaisance et même une certaine complicité dans deux ou trois séquences où l'on voit bien la connivence dans les sourires échangés entre les deux hommes.
Poutine apparaît en pleine forme physique et mentale et très sûr de lui, il se dégage de lui une affirmation de soi et de sa fonction présidentielle, une incarnation de la fonction avec une assurance et une autorité naturelle qui impose le respect et inspire la crainte.
Cependant, et je le répète encore une fois contrairement à ce que d'aucuns continuent à affirmer, Poutine n'est pas Hitler, définitivement pas, et ceux qui lui prêtent des velléités de s'en prendre à la Pologne ou aux pays Baltes afin de reconstituer l'Empire soviétique ou russe se trompent.
Vladimir Vladimirovitch Poutine n'est ni un ange ni un enfant de chœur, c’est un autocrate mafieux qui dirige la Russie comme un Capo dei capi, il est froid et dur, son regard est celui d'un loup disposé à tuer sans état d'âme pour défendre sa meute et ses intérêts, il ment et réécrit l’histoire, certes, mais il n'est pas nécessairement le prédateur conquérant décrit par la propagande occidentale.
Et il n'est pas dépourvu d'humour fut-il grinçant.