H16
20/3/2024 - Tout avait pourtant bien commencé puisqu’il s’agissait tout simplement d’aller occuper le grand amphithéâtre de l’Institut d’études politiques de Paris : quel étudiant digne de ce nom en France n’a pas participé ou subi l’une de ces “occupations” universitaires semestrielles sans lesquelles l’enseignement supérieur français ne serait plus vraiment le même ? Malheureusement, les choses se sont ensuite corsées.
Prétextant que cette occupation était menée en faveur de Gaza (car tout le monde sait qu’occuper un amphithéâtre permet d’apporter des vivres et des médicaments à des zones de conflit, voyons), certains des excités militants étudiants présents sur place entreprirent rapidement de faire le tri dans l’audience, empêchant clairement certains de leurs collègues – jugés sionistes voire carrément juifs – de pénétrer ou de participer aux festivités.
Oui, vous l’aurez compris : l’inclusion, la diversité, l’ouverture au débat et la lutte contre les discrimination ou le racisme pourtant prônés par cette grande école se sont retrouvés quelque peu mis à mal lors de cet intéressant événement, ce qui a assez logiquement entraîné la surprise de la direction, rapidement relayée par les médias puis par le microcosme politique français dont une partie croissante a justement fait ses classes dans cet établissement…
Montant au créneau, on a même découvert un Gérard Larcher, président du Sénat, élevant toute sa moelleuse rotondité contre les dérives de l’école qui, selon lui, “ne peut pas devenir un bunker islamo-gauchiste”…
Si l’on peut admirer l’effort de synthèse du sénateur et agréer à la nécessaire défense contre les dérives gauchistes, islamistes et wokistes de l’enseignement supérieur français en général et de Science Po en particulier, on pourra cependant regretter que l’imposant Larcher ne sorte que maintenant de sa somnolence post-prandiale.
En effet, il n’est pas exactement nouveau que les facultés françaises ont largement dérivé vers la gauche du spectre politique, et à l’exception sans doute des facultés et des écoles consacrées aux sciences dures et techniques de l’ingénieur, elles sont régulièrement parcourues de soubresauts politiques, de mouvements sociaux, d’agitations militantes dont les thèmes sont rarement favorables au conservatisme ou au libéralisme pour le dire gentiment.
À Science Po s’ajoute de surcroît une succession de crises à la direction de l’établissement ces dernières années, les directeurs enfilant les scandales comme d’autres des adolescents chemises.
Ainsi, le directeur du moment, Mathias Vicherat, déjà empêtré dans une histoire de violences conjugales, se retrouve à devoir gérer une nouvelle crise au sein de l’établissement : prenant son courage à deux mains et confronté à un renvoi devant le tribunal correctionnel, il démissionne bien vite. Il remplaçait depuis 2021 un certain Frédéric Mion qui avait lui-même été contraint de démissionner en février de cette année-là pour avoir dissimulé les soupçons d’inceste visant le politologue Olivier Duhamel, alors président de la Fondation nationale des sciences politiques. Mion succédait lui-même à Richard Descoings, décédé de façon suspecte dans une chambre d’hôtel à New-York…
Autrement dit, l’établissement vogue de crise en crise, et le petit pistonné de Macron n’a pas trouvé en lui l’énergie nécessaire pour redresser la barre, au contraire.
Et cette enfilade de crises, qui dure au moins depuis 10 ans, ne concerne pas seulement la direction et inclut aussi les élèves et les enseignements qui n’hésitent pas à copier les travers et les dérives de facultés américaines.
Cependant, quand SciencePo se fait remarquer dans l’actualité, cela ne fait qu’un peu camoufler un mal plus profond : celui d’un effondrement assez rapide du niveau global de tous les aspects de l’enseignement supérieur français. De la même façon qu’il a fallu à peu près deux générations pour que les fruits pourris des méthodes d’enseignement catastrophiques des années 70 et 80 se voient dans les résultats scolaires du primaire et du secondaire, les dégâts touchent à présent l’enseignement supérieur sans qu’il ne soit plus possible de les nier (on en est à réapprendre l’orthographe aux premières années d’université, même dans les grandes écoles).
À force d’indulgences et par un véritable égalitarisme de combat, l’éducation a progressivement abandonné par laxisme et facilité chacun de ses objectifs de former et d’instruire les élèves pour se contenter de les formater vaguement avec lâcheté et atermoiements. Et si l’infiltration gauchiste n’est pas neuve, elle atteint maintenant un seuil critique puisque même les établissements vu jadis comme les plus sélectifs et les plus prestigieux sont à leur tour touchés.
Et le problème, c’est que les dirigeants du pays sortent majoritairement de ce genre d’établissement en plein naufrage culturel et éducatif : les “élites” n’en sont plus et le niveau de leurs connaissances, de leur compréhension du monde actuel devient franchement préoccupant.
Car oui, le petit entre-soi parisien a favorisé, pendant de longues années, les programmes et les contenus de plus en plus abêtissants pour amoindrir le niveau du peuple qu’il entend cornaquer ensuite. C’est pratique (pour ceux qui dirigent) mais cela finit par déclencher un problème à long terme : l’endoctrinement et la propagande niaiseuse, par capillarité, finissent par toucher progressivement tout le monde, tous les établissements. Ceux qui étaient jadis des bastions conservés à l’abri doivent, eux aussi, renouveler leurs enseignants et, inévitablement, années après années, même là, le niveau finit par sombrer à son tour.
Ceux qui, jadis, pouvaient prétendre à faire partie d’une élite, ne parviennent plus se détacher de la masse. L’entre-soi est devenu une bulle hermétiquement close au reste du monde qui finit par s’auto-intoxiquer de ses propres messages débiles tout en étant persuadé d’être dans le juste, le bon, le nécessaire.
Cela donne les dirigeants actuels, dont le niveau culturel et intellectuel n’a cessé de dégringoler notamment ces dernières années, à tel point qu’il ne vient plus à l’idée de personne d’oser comparer, par exemple, un Villepin avec un Séjourné : même si le premier n’a probablement pas écrit les meilleures pages de l’Histoire française, le second est à peine capable d’y laisser quelques pâtés baveux.
L’incompétence de l’équipe gouvernementale actuelle est un mélange à parts égales de l’inexpérience flagrante d’une jeunesse inadaptée à l’ampleur des tâches à mener et surtout d’une inculture crasse assez visible dans sa façon d’opérer. Couplée à une arrogance sans borne issue d’une désinhibition presque totale provenant tant d’un pouvoir trop vite acquis qu’à des ingestions massives d’excitants, cette incompétence ne peut mener qu’au désastre et celui-ci est un peu plus visible chaque jour qui passe.
L’effondrement du niveau de Science Politiques n’est finalement que la partie émergée d’un terrible iceberg d’inaptitudes, d’arrogance et d’inculture crasse le long duquel le navire France se ramasse violemment depuis quelques années. Et vu le calibre de l’équipe en place, ça va forcément bien se passer.
Forcément.