Translate

20 avril 2024

Denis Collin

Extrait de "La longueur de la chaîne" (Max Milo, 2011)
Pas un citoyen conscient ne devrait accepter de faire confiance aux gouvernants pour qu’ils n’abusent pas de leur pouvoir. Tout vrai libéral, lecteur de Montesquieu sait que le pouvoir porte en lui-même l’abus de pouvoir et, en philosophie politique, il faut toujours commencer par raisonner sur les situations limites. Machiavel, le véritable fondateur de la pensée politique moderne, affirme que quiconque veut établir une constitution politique doit supposer « par avance que tous les hommes sont méchants et qu’ils sont prêts à mettre en œuvre leur méchanceté toutes les fois qu’ils en ont l’occasion » ou encore, qu’ils sont « ingrats, changeants, simulateurs et dissimulateurs, lâches devant les dangers, avides de profits ». Même si les optimistes peuvent penser que les affirmations de Machiavel ne sont pas vraies pour tous les hommes, il est à peu près certain – ce n’est pas là trahir l’esprit du très pénétrant florentin – qu’elles sont absolument exactes pour les dirigeants, pour ceux que Machiavel appelle les « grands », qu’il définit d’ailleurs très simplement comme ceux qui gouvernent ou qui veulent gouverner et dont l’impulsion fondamentale est de vouloir tyranniser le peuple. Plus que jamais, nous devons nous pénétrer des leçons de Machiavel, en les complétant par les leçons de l’histoire du dernier siècle : fondamentalement nos élites dirigeantes aspirent à quelque chose dont ne pouvaient même pas rêver les « grands » que connaissait Machiavel : la domination totale.