Gilles La Carbona
21/4/2024 - Une forte abstention est attendue pour les prochaines élections européennes du 9 juin. L’enjeu ne semblerait pas passionner les foules, à moins que ce ne soit la lassitude d’une offre finalement semblable et désolante. On croit changer et les mêmes politiques n’en finissent pas de nous entraîner dans le malheur. L’abstentionniste marquerait ainsi son désaccord et son rejet de ce qu’il nomme communément la mascarade, ou le semblant de choix. Attrayant programme mais où est sa pertinence réelle ? Quand l’un tente de modifier par son vote la trajectoire du destin, l’autre assis sur sa chaise attend que tout se fasse tout seul. La main de l’un contre l’adversité face à celle d’un Dieu invisible qui veillerait sur les intérêts des boudeurs d’urnes ? Rappelons tout de même que le 9 juin va se jouer la survie des États Nations. Les abstentionnistes sont-ils d’accord avec la dilution des États, l’effacement de plus de 2000 ans d’histoire au profit d’un État Europe ? Est-ce vraiment là ce qu’ils entendent laisser faire sans broncher, sans tenter de casser la majorité PPE qui risque de nous imposer un Mario Draghi, dont les intentions sur ce sujet ne sont plus dissimulées.
Si la majorité européiste fédéraliste n’est pas battue, après les élections est prévue une grande réunion pour acter la fin des Nations et le transfert total des souverainetés, du moins de ce qu’il en reste à l’Europe. Ceux qui refusent de voter au prétexte que cette élection ne les concerne pas, considérant que seuls les scrutins nationaux sont importants, pourraient se réveiller avec la gueule de bois. En effet, si le projet parvient à son terme, il n’y aura plus d’élections, si ce n’est pour désigner les maires. À quoi aura servi leur fronde ? L’Europe c’est loin, une nébuleuse presque invisible et pourtant terriblement présente dans nos quotidiens par les normes, obligations et contraintes qu’elle impose. L’importance de cette machine infernale n’est toujours pas perçue à la hauteur de sa nocivité. Il est inutile de hurler dans la rue contre l’immigration, la réforme du Code du travail, le prix de l’énergie ou tout autre sujet, car tout se décide à Bruxelles.
C’est le point à contrôler pour changer les choses, à défaut de partir définitivement de cette organisation, option qui pour le moment reste taboue parmi les formations données gagnantes. Les Français s’apprêtent donc à bouder le scrutin sans doute le plus déterminant pour la suite de notre avenir. Les abstentionnistes seront-ils épargnés par les mesures qui seront prises, nous l’avons déjà dit : non ! Ce serait trop beau, l’abstention n’est pas une bulle qui isole son représentant du reste de la communauté. Prétendre qu’on s’en sortira nationalement est pour l’heure une chimère, un fantasme qui ignore la supériorité juridique des lois de l’UE qui s’imposent à tous. Les gouvernements ne maîtrisent quasiment plus rien, et cette tendance est exacerbée si la majorité du Parlement européen est hostile, comme en ce moment, aux peuples. Les conséquences sur nos libertés, notre sécurité seront pires que ce que nous connaissons déjà.
Ne pas voter le 9 juin c’est donc laisser partir le dernier pan de liberté et de souveraineté qui est en notre possession. Battre les européistes est essentiel, croire que rester chez nous suffira à modifier quoi que ce soit est un fantasme répandu sur les réseaux, dont on peut trouver l’origine dans les jeux vidéos, ou plus certainement dans l’idéalisme contenu dans l’image que l’on se fait des révolutions passées, où la foule, aidée d’une partie des forces de l’ordre de l’époque, parvenait dans un élan de bravoure à changer de régime. Régulièrement nous lisons que tout va exploser parce que les Français à bout se préparent à tout renverser et qu’ainsi les élections seront annulées. Sauf qu’il n’en est rien et que les récentes « révoltes » des paysans, ou plus anciennes des Gilets jaunes, nous ont prouvé l’isolement de ceux qui osaient dire non. Il n’y a pas eu de levée en masse, on peut le regretter, mais le constat est factuel. La révolte qui sommeille est sans doute largement surestimée. Fuir les urnes n’est ni une victoire ni un défi au système, tout simplement parce que tout est fait pour qu’il l’ignore. Il ne reconnaît que ceux qui s’expriment. C’est indécent, énervant, oui, mais c’est ainsi. Les voix qui ne se prononcent pas n’existent pas. C’est vrai, mais la seule volonté qu’une démocratie prend en compte est celle qui est clairement désignée sur un bulletin de vote. Quand bien même personne n’irait voter, ce qui est pure utopie, un peu à l’image de la grève générale, le fameux système trouverait la parade en se passant de nos voix. L’abstentionniste n’est pas un avant-gardiste porteur d’une modernité, dont il serait le seul à comprendre les effets. Ce serait plus un résigné qui accepte que le choix des autres s’impose à lui sans qu’il donne son avis.
Il se réfugie dans la condamnation d’un procédé qu’il entend gripper par son désengagement, mais qui en fin de compte continue à le broyer sans lui. Le votant est un imbécile manipulé, tandis que lui est éclairé et libre… surtout de suivre ce que les autres auront décidé, ou de se mettre hors la loi et là encore d’en subir les conséquences. L’anticonformisme a ses limites. Il aura fallu des combats pour obtenir le droit de vote et simplement de la lassitude et du désintérêt pour se l’auto-confisquer, quel chemin. Voter est la pire des imperfections, mais ne pas en avoir la possibilité, ou la refuser est une plaie bien plus grande. Tous ceux qui se plaignent de cette Europe, de Macron, ont l’opportunité le 9 juin de manifester leur mécontentement et d’envoyer un signal qui résonnera plus longtemps et traversera les frontières bien mieux que les images d’un défilé embué de gaz lacrymogène. C’est le moment rêvé pour renvoyer cette clique nauséeuse à ses études, ne boudons pas ce plaisir. Le 9 juin l’abstention même massive ne fera pas trembler le parlement, une majorité contraire à la bande à Davos si… Votons !