Gabriel Nerciat
13/5/2024 - La première fois que j'ai entendu parler des "non-binaires" (et vaguement compris la différence qu'ils entendent établir avec les transsexuels, un peu comme les aristocrates d'Ancien Régime avec la noblesse d'Empire), j'ai cru qu'il s'agissait d'une sorte de canular.
Du niveau de Jérôme L., un de mes amis d'enfance qui, à l'école primaire, nous faisait rire en affirmant dans la cour de récréation : "Faites gaffe ; vous croyez que je suis un mec, mais en fait au-dedans de moi je suis un tigre".
Puis, comme toutes les blagues qu'on finit par prendre au sérieux, j'ai vu qu'il n'en était rien.
Les éternels crétins relativistes ou pseudo-libertaires - dont le fat Pascal Praud ce matin sur C-News représentait la figure à la fois la plus insupportable et la plus sottement bourgeoise - nous expliquent qu'il faut être tolérant, et accepter sans barguigner toutes les différences revendiquées à partir du moment où elles n'empiètent pas sur les libertés individuelles ni ne menacent l'ordre public.
C'était déjà l'argument massue des défenseurs du mariage homosexuel il y a douze ans : "Mais puisque ça ne vous retire pas de droits individuels, pourquoi donc vous opposez-vous à l'institution de nouveaux droits ? En quoi est-ce que cela vous gêne ou vous regarde ?".
Eh bien, chers ilotes post-modernes, ça me gêne et ça me regarde parce que vous et moi, que vous le vouliez ou non, vivons dans le même monde et partageons la même condition mortelle, la même époque, le même destin collectif, historique ou civique.
La transformation institutionnelle ou morale d'une liberté (de mœurs) en droit (politique) irrévocable regarde tout le monde, et pas seulement ceux qui en jouissent ou s'en réclament.
Sinon, pourquoi Pascal Praud ou Elisabeth Lévy seraient-ils fondés à se montrer indisposés par le port de la burqa et du voile intégral dans la rue ?
Un individu qui refuse qu'on le considère comme homme ou femme, et entend interdire qu'on puisse lui assigner une appartenance sexuée (celle qu'il a reçue à sa naissance ou éventuellement une autre qu'il aurait choisie lui-même une fois adulte) n'est rien d'autre qu'un scélérat en puissance, même pas digne de figurer dans une nouvelle du Divin Marquis, qui proclame explicitement par sa tenue, son fanion ridicule et ses discours : "Je ne veux rien avoir en commun avec vous, pas même la descendance d'Homo sapiens. J'appartiens à un autre stade de l'humanité (ou de la post-humanité), qui vous demeurera toujours étrangère, et si j'ai le droit de me juger supérieur à vous, sachez que la réciproque n'est pas possible pour vous, à moins d'en payer le prix social qui en Occident deviendra de plus en plus lourd."
Tout compte fait - et puisque tout le monde a été, est ou sera antifasciste - c'est peut-être ça, la matrice idéologique du fascisme qui vient, assez bien anticipée par Pasolini dans Salo lors des années qui suivirent 68.
Rien d'autre.