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10 juin 2024

Anne-Sophie Chazaud

Bonjour mes bons amis,

Je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’accueil chaleureux que vous m’avez réservé hier, au cours de ce qui a été une journée très exaltante, agréable et festive, entre Roland Garros et élections et quelques autres choses sympathiques…
Ce contexte particulier m’a poussée à venir échanger un peu avec vous.
Cependant, ce que je vois s’esquisser ce matin pour les semaines à venir représente absolument tout ce que je déteste et que je fuis désormais autant que possible comme la peste.
À savoir le grand n’importe quoi, le commentaire permanent de tout, l’hyper-réaction, l’histrionisme, les postures, l’hystérisation de la parole, la nôtre y compris, en raison d’un climat politique qui va être totalement irrespirable (encore davantage qu’il ne l’était jusqu’à présent), mais aussi en raison du fonctionnement même des réseaux sociaux qui nous poussent au ressassement.
Je m’en suis beaucoup retirée, j’ai cessé de publier, parfois je le regrette mais le plus souvent j’ai ressenti au contraire une forme de libération, une tension moindre en moi, une plus grande sérénité, davantage de distance. Tout ce temps passé sans participer activement au débat public m’est apparu comme un temps empli de manière beaucoup plus intense, plus authentique, plus profonde.
C’est difficile à exprimer et je ne sais pas si je l’explique correctement.
Alors, bien sûr, à titre amical j’aimerais poursuivre ce dialogue qui s’est noué avec vous depuis quasiment dix ans, mais à titre personnel et en particulier dans la période de très fortes turbulences que ce pays va traverser, je crois plus raisonnable de garder de la distance voire de l’amplifier encore davantage.
Cette année, je me suis désengagée de tous mes projets éditoriaux, j’ai décliné de nombreuses invitations medias, non pas par snobisme, mais en raison de cet équilibre que j’ai ainsi trouvé dans le cadre d’une vie personnelle par ailleurs épanouie.
Je ne peux que vous inviter à faire autant que possible la même chose : emplissez-vous de la vraie vie, déconnectez-vous le plus possible, supprimez les applications de réseaux sociaux de vos téléphones, libérez-vous de cet état d’indignation et de fantasmagorie permanentes dans lequel nous sommes enfermés du fait-même de cette structure médiatique très chronophage, intrusive et illusoire où se jouent principalement des questions narcissiques et des constructions d’images de soi dont nous n’avons en réalité pas besoin.
Aussi, ne soyez pas surpris si tôt ou tard je supprime complètement mes comptes, après tout, la mode est à la dissolution.
Je vous embrasse chaleureusement et vous souhaite bon courage pour les semaines à venir, et quoi qu’il en soit je conserverai la messagerie afin que nous puissions rester en contact comme c’était déjà le cas depuis quelques mois…