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6 juin 2024

Déconnexion, toujours…

Maxime Tandonnet


6/6/2024 - A la veille de l’élection du Parlement européen, M. le président déclare : « Il n’y a jamais eu une élection européenne aussi importante que celle-ci parce qu’il y a la guerre en Europe, le changement climatique, l’intelligence artificielle aussi parce que notre démocratie est menacée par les extrêmes qui montent (…) le danger est énorme. » Cette dramatisation, qui s’ajoute à une omniprésence médiatique sur les médias à la veille du scrutin, souligne l’angoisse qui règne, à propos de ce scrutin, du côté du pouvoir. Pourtant, le résultat ne changera rien aux équilibres institutionnels. L’effet éventuel d’une « droitisation » du PE ne peut jouer qu’à la marge et sur le très long terme dès lors qu’il faut plusieurs années pour concevoir et adopter de nouvelles directives ou règlements (d’ailleurs, la Commission a le monopole de l’initiative législative et les textes doivent être approuvés par le CM avant d’être discutés par le PE). Alors pourquoi cette impression d’extrême fébrilité ? Dans un monde où le paraître écrase le faire, où l’image se substitue à l’action, un système de gouvernement dans lequel le délire narcissique remplace la notion de bien commun, nos dirigeants politiques redoutent avant tout l’humiliation personnelle. « Notre démocratie est menacée par les extrêmes. » Cette phrase est privée de toute portée anxiogène dans le pays. Pour la majorité des Français, de droite ou de gauche, la démocratie est d’ores et déjà en miettes : l’élection présidentielle est trafiquée par le scandale (2017) ou par la manipulation des peurs (2022), l’élection législative, conditionnée par la présidentielle, ne sert presque plus à rien (d’où l’abstention massive) ; le pouvoir n’est plus dans les autorités issues du suffrage universel mais dans les bureaucraties surtout bruxelloises, et les juridictions ; la liberté a été crucifiée par les confinements et les QR codes pendant la crise sanitaire, et elle le sera encore demain à toute occasion comme les JO ; le peuple est méprisé et sa volonté balayée d’un revers de main en permanence, sur les retraites, la sécurité, l’immigration ; les leaders du pays accaparent les médias et la parole publique dans des conditions qui relèvent du pur arbitraire. La démocratie n’est pas menacée: elle est massacrée quotidiennement. Au fond, ce qui est sidérant, c’est de constater à quel point le discours présidentiel du « moi ou le chaos », alors que les Français nagent en plein chaos – en plein extrémisme – semble déconnecté du réel et de leur perception. C’est-à-dire que l’extrémisme de fait au pouvoir actuellement sous couvert de progressisme ne fait qu’ouvrir la voie à l’extrémisme sous un manteau différent.