Gabriel Nerciat
Dans tout ce qu'on écrit à propos de la dissolution et de la crise politique qu'elle révèle et engendre à la fois, il me semble qu'on rate le plus évident.
Pour qu'une démocratie parlementaire fonctionne, a fortiori dans la Ve République où le choix du Premier ministre relève autant de la décision du président de la République que du vote des parlementaires, il faut que le champ politique national soit rigoureusement divisé en deux, afin que puissent se constituer de façon claire au lendemain de chaque consultation électorale une majorité qui appuie le gouvernement et une opposition qui le combat.
Une démocratie parlementaire structurée à partir de trois blocs indépendants et concurrents ne peut pas fonctionner durablement, et à vrai dire dans ce contexte les qualités ou les défauts du chef de l'Etat ne jouent qu'à la marge (rejeter toute la responsabilité de la crise sur Macron est une erreur : battu aux législatives de 2022, ce dernier était contraint de dissoudre tôt ou tard, et il a seulement tenté de transformer une contrainte structurelle en opportunité tactique).
Il est probable que les Français sont en train de s'en rendre compte, et c'est pourquoi le Banquier Président dans une semaine va perdre son pari : ils ont intégré la nature anarchique de la période politique qui s'est ouverte en 2017 (en réalité, dès la ratification du traité de Maastricht en 1992 aggravée par l'adoption du quinquennat en 2000) et ils s'évertuent à jouer avec elle plutôt que de chercher à en sortir au bénéfice du bloc central technocratico-maastrichien.
Pour autant, il faudra bien tôt ou tard que l'un des trois blocs s'affaisse ou disparaisse au profit des deux autres, sans qu'on puisse pour autant revenir au traditionnel clivage droite-gauche du siècle précédent tué par l'effondrement de l'URSS et la mondialisation (ce fut l'erreur commise par Eric Zemmour et renouvelée par le tandem Ruffin-Glucksmann, qu'ils payent ou vont bientôt payer au prix fort, alors que Marine Le Pen et Bardella en recueillent au contraire les dividendes électoraux).
La vraie question est donc : est-ce que la transmutation finale du trois en deux se fera par l'épreuve de la rue ou bien par l'athanor des urnes, et au profit de qui exactement ?
Réponse bientôt.