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28 juillet 2024

Chronique du vingt-huitième du mois de juillet en l'an vingt-quatre de la Grande Dissolution et des Jeux

Julie d'Aiglemont

Les cérémonies inaugurales des Olympiades firent grandement jaser dans les chaumières. Le maître de ballet, Monsieur Jollius, qui les avait conçues avec quelques comparses, les avait voulues à l'image de notre chère vieille République. De l'avis quasi unanime, l'évènement fut apprécié. Il ne se trouva que les Haineux pour s'étrangler de rage à la vue des scènes vivantes qui avaient formé les morceaux de choix de ces festivités. Le satyre bleu, s'épanouissant joyeusement au milieu de créatures extravagantes attablées à un banquet, mit en grande ire Madame Maraiechalle-Nouvoilla et le vicomte de Vil-Y-Est. Ces Haineux y virent un détournement impie de la Cène, là où il était davantage question d'une bacchanale. La vision à la fenêtre de la Conciergerie d'une comédienne faussement décapitée, en robe écarlate, chantant le Ça Ira des Sans-Culottes au son d'un orchestre des plus échevelés, fit hurler la baronne du Boudain. Cette bonne dame, confite en religion, cria au sacrilège. Ne venait-on point de trancher derechef la reine Marie-Antoinette ? Le grand philosophe monsieur Finequellecrotte s'épancha abondamment, criant qu'il n'y eût plus de beauté dans ce monde. Les coupables en étaient ces maudits Éveillés, dont on ne savait plus dire s'ils étaient mâles ou femelles.
Le Roy s'ennuya ferme. Lorsque des statues figurant les grandes héroïnes de la vieille République sortirent des flots de la Seyne, Notre Morgueux Réactionnaire s'étrangla en reconnaissant Louise Michelus, une maudite anarchiste que le bon monsieur Thiers avait pourtant fait exiler aux antipodes pour la punir d'avoir été rebelle et insoumise. Sa Grande Turpidité s'attendait à tout moment à voir surgir des flots la belle madame Fin-du-Castetus.
Quand le moment fut venu pour notre souverain de déclarer ouvertes les Olympiades de Lutèce, quelques sifflets se firent entendre.
Les cérémonies s'achevèrent avec l'allumage d'une montgolfière - laquelle porterait la flamme olympique durant le temps des jeux - et les envolées lyriques d'une cantatrice de la Belle-Province, la Sellette d'Ion, ce qui ne manqua point de faire saillir quelques larmes chez d'aucuns et d'aucunes. Quelques heures auparavant, la diva avait posé pour la postérité en compagnie de Dame Bireguitte, vêtue pour l'occasion d'un costume en toile dont on recouvrait ordinairement les matelas.