Julie d'Aiglemont
Chronique du sept du mois de juillet en l'an de très grande dissolution vingt-quatre
Il se trouva une grande majorité de Riens et de Riennes - quoiqu'ils et elles ne fussent point en accord sur la façon de gouverner le pays - à refuser de voir les Haineux profaner et outrager à mort la vieille Marianne. Le comte de Bartoidella ne serait pas le futur Premier Grand Chambellan. Ses soudards échouèrent à envahir en masse la Chambre Basse. Pire encore, ce fut la Nouvelle Faction de la Plèbe qui rafla la mise. Les Haineux durent également s'incliner devant les Dévots. La coupe était pleine et fort amère. Le fiel coula des lèvres du jeune comte lorsqu'il s'adressa à ses partisans très dépités.
Dans les grandes villes et sur les places des villages, le peuple se rassembla pour chanter. On n'avait point vu de telle liesse depuis fort longtemps. A Lutèce, quelques rebelles lancèrent des feux d'artifice sur la maréchaussée. Les argousins prisaient fort pour bon nombre d'entre eux le comte de Bartoidella et il se murmurait que de voir la foule en liesse avait quelque peu échauffé leur humeur chagrine. Les excités leur avaient servi une belle excuse pour foncer dans le tas et obliger tous ces gueux et gueuses à regagner les chaumières.
Dans les salons des Lucarnes Magiques, on tirait grise mine. Il se déclara même chez la gazetière Madame du Saint-Crique-Me-Croque une jaunisse fulgurante. Le Chevalier d'Alanver se proclama vaincu, de même que Monsieur Saint-Ane de Guère-au-Nid. La grande-duchesse de la Très-Bornée emporta son tournoi grâce aux suffrages de la Sénestre. Il en alla de même pour le duc du Dard-Malin. Aucun de ces deux dignitaires du royaume ne songea à remercier celles et ceux qu'ils avaient férocement méprisés du temps de leur charge auprès du Roy.
Le petit duc des Attelles n'eut pas non plus un mot pour saluer la victoire du camp des Plébéiens et Plébéiennes. Il présenta au Roy sa démission tout en plastronnant qu'il se tiendrait à sa charge aussi longtemps que le devoir l'exigerait.
Notre Inconséquent Foutriquet était fort marri. Il attendait le comte Bartoidella, il lui faudrait appeler un de ces maudits Plébéiens. Le tribun de l'extrême Senestre monsieur Bisou, qui avait malheureusement échoué face à un Haineux, se déclara tout à fait prêt à exercer la charge de Premier Grand Chambellan. Sa Glorieuse Déroute, à qui un Conseiller rapporta cette amusante saillie, la balaya avec aigreur. Les gueux allaient désormais se croire tout permis. Cela ne se pouvait.
Chez nos voisins, ce fut le soulagement.