Issa GORAIEB
Sur fond de massacre permanent à Gaza, et à quelques heures seulement d’intervalle, viennent de se mettre en mouvement deux dynamiques placées d’emblée sur une même trajectoire d’inéluctable collision.
À une écrasante majorité, le Parlement israélien votait jeudi une résolution prétendant enterrer à jamais la solution des deux États en Palestine, projet considéré comme une menace existentielle pour Israël. On appréciera l’ironie de l’argument, à l’heure où c’est Israël lui-même qui, dans les faits, s’affirme en péril existentiel pour le peuple palestinien : où c’est encore lui qui, par son expansionnisme effréné, voue la région tout entière à une perpétuelle instabilité ! Toujours est-il que le texte adopté, bien que de portée purement symbolique, prétend engager dans ce refus tout futur gouvernement israélien : étant entendu que l’actuelle équipe au pouvoir n’a nul besoin d’encouragement en la matière. Pourquoi, dès lors, ce subit branle-bas ? Parce que l’on est à moins d’une semaine de la visite à Washington de Benjamin Netanyahu. Invité à prendre la parole devant le Congrès, le Premier ministre israélien emporte donc dans sa besace assez de munitions pour venir à bout, comme il l’espère, des préférences américaines : lesquelles vont à la solution à deux États, comme s’est empressée de le réaffirmer la Maison-Blanche sans toutefois critiquer de front l’initiative de la Knesset.
Nettement plus marquée est cependant la réaction de Paris, qui a fait part de sa franche consternation. Osera-ton néanmoins espérer que cette affliction qui s’empare de la France, patrie des droits de l’homme, pionnière européenne des droits des peuples, la poussera enfin à reconnaître l’État palestinien comme l’ont fait récemment trois pays de l’UE ? Quel meilleur moment pour se décider à le faire pourrait-il donc se présenter après ce niet absolu, définitif, scellant le monstrueux bain de sang de Gaza ?
Et puis, il n’y a pas que Gaza. Si en effet la douteuse démocratie parlementaire israélienne, abusivement louée en Occident, a joué le tout pour le tout, c’est aussi pour tenter de prendre de vitesse une justice internationale fermement résolue à décortiquer, déconstruire et invalider les fallacieux prétextes invoqués pour l’occupation – et la colonisation – des territoires palestiniens conquis en 1967.
Proprement historique est, de fait, l’avis sur la question qu’a rendu hier même la Cour internationale de justice, et cela sur requête expresse de l’Assemblée générale des Nations unies. Cet avis consultatif émanant de la juridiction onusienne la plus haute est en réalité le plus accablant des réquisitoires, puisqu’il s’attache à souligner le caractère indéniablement illicite, illégal, de l’occupation prolongée, des annexions et des manipulations démographiques – à Jérusalem notamment – dont se rend coupable l’État hébreu. Le texte exige l’arrêt immédiat de ces pratiques et rappelle aux divers États l’obligation de ne pas reconnaître tous ces faits accomplis.
Au sabre des généraux de Tel-Aviv, fait face désormais, avec une détermination croissante, le glaive de la justice planétaire. Et ce glaive, le Liban peut s’enorgueillir du fait que c’est un de ses fils les plus estimables qui en assume admirablement le maniement. Dans une déclaration qu’il a tenu à ajouter à l’avis consultatif, le président de la CIJ Nawaf Salam explique d’ailleurs les raisons impitoyablement techniques pour lesquelles il a accordé son suffrage à la totalité des points que renferme ce document. On se souviendra avec regret que c’est cette même personnalité académique, diplomatique et juridique de grand renom qui avait été pressentie il y a quelques mois pour former un gouvernement. S’y étaient opposés, car ils le jugeaient trop pro-occidental, ceux qui font commerce de la cause palestinienne. Et qui en réalité se soucient moins de Jérusalem que des intérêts hégémoniques de l’Iran.
Là aussi, justice vient d’être enfin rendue. - 20/7/2024 -