Maxime Tandonnet
[Extrait] Le pays est-il à la veille d’une vertigineuse déception qui ne ferait qu’aggraver en profondeur la crise de la démocratie ? Le résultat des urnes tel qu’il semble devoir se profiler, une semaine à l’avance ne porte pas à l’optimisme. Sur le fond, ce résultat semble plus dominé par l’expression d’une colère qu’une véritable ambition tournée vers l’intérêt général. Le parti a priori vainqueur, le Rassemblement national, ne semble guère disposer d’un projet réaliste sur le plan financier, ni même régalien (à l’image de l’emblématique et explosive « abrogation du droit du sol » qui n’apporte aucune solution sur le plan de la maîtrise de l’immigration). Certes le procès en incompétence qui lui est fait paraît excessif – au regard des résultats obtenus par les diverses majorités depuis un demi-siècle. Cependant, de fait, il ne dispose ni de l’expérience ni d’une capacité à inspirer la confiance, sans lesquelles un bon gouvernement est inconcevable. Quant à l’ancienne Nupes, rebaptisée Nouveau Front Populaire, viscéralement déchirée sur l’antisionisme, engluée dans ses excès, un programme d’explosion vertigineuse des dépenses publiques et des impôts, elle n’offre pas davantage, à ce stade la moindre perspective crédible.
En vérité, par-delà le sursaut démocratique manifesté par les Français, le premier tour des législatives n’offre guère d’autre perspective qu’une Assemblée privée de majorité claire, ingouvernable, chaotique, toujours davantage dominée par le chahut braillard et stérile. La gauche réaliste et responsable, incarnée par quelques rares figures est décimée, en voie de disparition. La « droite classique » dite « de gouvernement » a été massacrée par une invraisemblable succession de trahisons de 2017 à ces derniers jours…
A cela s’ajoute le contexte financier, juridique et institutionnel, qui réduit considérablement les marges de manœuvre du pouvoir politique. Le pouvoir législatif est largement encadré par la jurisprudence prolifique du Conseil constitutionnel d’une part et le droit européen d’autre part.
Après l’espoir démocratique lié à la réussite de cette élection législative, risque de succéder une aggravation de l’impuissance publique et grave déception. Sans doute faut-il s’attendre à une nouvelle vague de politique spectacle, de gesticulations narcissiques et autres brailleries polémiques et nihilistes dans un contexte de chaos et de violence. En tout état de cause, la question du modèle politique français est posée au regard du besoin de respiration démocratique qui s’est exprimé le 30 juin et dans une période extrêmement tourmentée, il serait de bon augure que les responsables politiques se réunissent, par-delà les clivages, pour se pencher sur sa réforme – ou sa refondation afin d’apporter au pays une réponse de fond sur le besoin de démocratie qu’il vient d’exprimer, pour commencer en pérennisant le principe d’une déconnexion des élections présidentielles et législatives, le retour au septennat et le recours au référendum. 6/7/2024