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1 juillet 2024

PENSÉES MATINALES D'ENTRE DEUX TOURS

Gabriel Nerciat

Rien de plus lassant à mes yeux que les combats de valeurs auto-proclamées imposés sans modération le soir d'une compétition électorale, surtout aussi décisive que celle-là, jusqu'à deux heures du matin (j'aurais bien aimé dormir, mais je n'y arrivais pas).
Non seulement parce que la politique n'est pas une question de valeurs mais d'abord d'objectifs, d'idées ou de sentiments ; mais aussi parce qu'invoquer des idéaux de nature morale ou religieuse revient surtout à ne pas vouloir essayer de comprendre ce qui se passe réellement sous nos yeux.
Qu'on ne se méprenne pas.
La différence entre Jean-Luc Mélenchon et Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve, par exemple, n'est pas tant que les seconds seraient républicains et le premier un traître à la République (laissons ce conte pour enfants à Gilles Clavreul et à Madame Badinter).
C'est plutôt que le premier donne à ses (nouveaux) électeurs le discours qu'ils veulent entendre (anarchiste, écologiste, islamo-gauchiste, woke), alors que les seconds ne veulent pas le faire.
De même que Fabien Roussel et François Ruffin, du reste, qui hier soir le payaient comptant.
Même chose, de l'autre côté du spectre politique, entre Eric Ciotti et Laurent Wauquiez ou Xavier Bertrand.
Quand on doit représenter dans une enceinte parlementaire plusieurs millions d'électeurs, la moindre des choses est de cesser de prendre ses vessies morales pour des lanternes démocratiques.
Ou alors, on cesse de jouer - ce que vont devoir faire pas mal de macroniens et d'ex-chiraquiens dans les jours qui viennent.
Et puis, parlons franc : le duel entre modérés rationnels et extrémistes sanguinaires, ce sera pour une autre fois.
Des types qui se baladent le soir d'une élection nationale avec le fanion étoilé de l'UE ne sont pas plus patriotes ou républicains que ceux qui arborent des drapeaux palestiniens, léninistes ou algériens.
Reste la question essentielle, à laquelle répondront les Français dimanche prochain : les noces hâtives - mais pas si baroques qu'on pourrait croire - entre la grande banque d'affaires, la technostructure européiste et la plèbe citadine islamo-gauchiste suffiront-elles pour constituer la majorité relative de rechange dont Macron a besoin pour rester trois ans de plus à l'Elysée ?
J'aimerais bien répondre non, mais je crains que la réponse soit peut-être oui.
Entre les milieux cosmopolites, policés et libéraux et les remugles bas de plafond du wokisme libertaire et décolonial, existe un imaginaire commun qu'il est toujours temps de mobiliser dans les occasions difficiles.
Cet imaginaire est celui suscité par les grandes métropoles modernes et mondialisées, où depuis longtemps déjà serviteurs du capital et dévots de la révolution nourrissent et consolident, en croyant se haïr, un monde commun hostile à tout ce qui n'est pas eux.
P.S : Même si, franchement, j'espère me tromper.