Gabriel Nerciat
3/8/2024 - Désolé de revenir encore une fois sur la cérémonie d'ouverture des JO, mais la persévérance des snobs, des tartuffes et des imbéciles à dégoiser n'importe quoi depuis une semaine sur ce ratage aussi symptomatique que monumental ne semble connaître aucun répit.
Un argument, notamment, ne cesse d'être mobilisé jusqu'à plus soif, et qui m'irrite particulièrement.
Celui de la légitimité moderne du blasphème, devenu l'emblème des esprits forts de ce pays depuis l'époque de Voltaire et réactivé, en quelque sorte, à l'époque contemporaine par les attentats de Charlie Hebdo et la fatwa iranienne visant Salman Rushdie.
Or c'est précisément là qu'il y a, selon moi, escroquerie patente.
Pour deux raisons.
La première devrait couler de source auprès de gens qui se définissent depuis toujours comme de parfaits laïcards (je pense notamment à Henri Pena-Ruiz ou Catherine Kintzler).
En fonction de la loi de 1905, en effet, l'Etat républicain, en France, se doit d'observer une stricte neutralité confessionnelle.
A ce titre, il est évident qu'une inauguration des Jeux olympiques organisée par l'Etat avec l'argent des contribuables ne peut pas tolérer la moindre marque de provocation ou d'irrespect à l'encontre du culte chrétien ou catholique (par ailleurs interdite également dans le cadre du règlement olympique), aussi faible et complaisant que soit devenu ce culte depuis soixante ans.
Et si l'on persiste à prôner malgré tout, comme on le fait dans les colonnes du Monde, la sacralité des transgressions artistiques, alors dans ce cas il ne faut pas se plaindre du scandale et des protestations véhémentes suscités par la mondiovision du blasphème en question (mais on sait que ce fut tout le contraire : aussi pleutres qu'hypocrites, Jolly et Boucheron, réfugiés derrière le flasque corps bleu de Philippe Katerine, ont avancé un grotesque alibi dionysiaque afin de ne pas engager leur responsabilité).
C'est là d'ailleurs que se niche la seconde raison, à mon sens la plus importante.
La cérémonie n'était pas seulement laide, médiocre et globalement ratée (parisienne, en fait, dans le pire sens du terme) ; elle est apparue révulsive à des millions de personnes, en Occident comme dans ce qu'on appelle aujourd'hui, à tort ou à raison, le Sud global, parce qu'elle se proposait justement de mettre en scène un nouveau sacré cher à une minorité importante et influente des moyennes bourgeoisies occidentales, qu'on consente à l'appeler woke ou autrement.
Ce sacré, fondé sur l'absolue indétermination de la nature humaine reflétée ou sublimée dans l'indistinction des sexes (elle-même rite liturgique dévoué à la révélation d'un individualisme transcendant et transgressif des normes biologiques et culturelles), ne souffre plus, dans le monde libéral occidental, la moindre critique ou remise en question - assimilée, précisément, à un nouveau blasphème (tourné cette fois contre la sacralité de l'individu moderne qui s'est substituée à celle du Christ ou de Dieu).
Comme l'ont expérimenté à leurs dépens des noms aussi différents que J.K Rowling et Douglas Murray au Royaume-Uni, ou en France la très pieuse Marion Maréchal et le très profane Cyril Hanouna (dont la récente censure par l'ARCOM semble d'ailleurs réjouir les mêmes iconoclastes assermentés qui célèbrent la "liberté d'expression artistique" de Thomas Jolly).
Cela peut sembler saugrenu, mais dans l'affaire les blasphémateurs ne sont donc pas ceux qu'on croit.
Ce qui par ailleurs ne délégitime aucunement, d'un point de vue sacramentel, l'objet de la messe de réparation qu'a célébrée ce matin l'évêque de Nîmes à la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Castor.
Réparation qui n'est pas absolution : les chrétiens qui ont adoré et défendu cette parodie excrémentielle, parions comme Pascal que l'Enfer est fait aussi pour eux.