Gilles Casanova
Engagé à gauche depuis la fin des années 60, je ne me sens pas spontanément 100% fasciste. Vous me direz : il est tellement difficile de se connaître soi-même…
Cependant, depuis la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, un trouble m’a saisi, sur un sujet sur lequel semble se faire une unanimité absolue. Donc je me dis qu’en commençant à le critiquer, je vais apparaître plus fasciste que tous les fascistes dénoncés dans les organes officiels de « ce qu’ils faut en penser », et qu’arrivé à ce niveau là, il n’y a plus de mots…
Mais, quelques jours plus tard, le trouble ne se dissipe pas, alors je l’exprime en me disant que peut-être je ne suis pas le seul à avoir été troublé.
Tout le monde a trouvé merveilleuse la prestation de Céline Dion dans L’Hymne à l’amour. Elle n’est pas en cause, pas plus que la décision d’avoir choisi Édith Piaf pour ce moment particulier.
Mais j’ai bien en tête que dans l’ensemble du monde non francophone, la cérémonie d’ouverture était sous-titrée. De grands pays comme la Chine, non sans une certaine perversité, l’ont diffusée intégralement en ne coupant pas la moindre seconde, pour montrer comment un grand pays avec une grande culture qui avait pu influencer le monde, pouvait aujourd’hui être tombé si bas. C’est là-bas la tonalité du commentaire.
Le morceau de conclusion se devait d’être un résumé, une synthèse du message. Le titre de la chanson « L’Hymne à l’amour » s’y prêtait tout à fait, j’en conviens. Pour nous qui connaissons cette chanson, nous ne faisons pas tout à fait attention à toutes les paroles. Mais pour des étrangers, qui pour la plupart de la connaissent pas, et qui voient sur leur écran défiler les sous-titres de ce message final et synthétique de la France, celui qu’elle adresse au monde, cette partie de la chanson : « je renierais ma patrie si tu me le demandais » apparaît comme un message fort de la chanson et « Dieu réunit ceux qui s’aiment » qui conclut la chanson, apparaît comme un second message fort.
Alors voilà un des rares États laïques dans le monde, qui se flatte de sa laïcité, et qui dans le message synthétique qu’il envoie, le conclut en invoquant Dieu, comme n’importe quel président des États-Unis le fait pour terminer son allocution. C’est une drôle de curiosité.
Et voilà une nation qui dans son message conclusif nous dit que l’amour est plus fort que tout et que lorsque l’on est amoureux il n'y a pas de problème à renier sa patrie. En voilà une autre curiosité.
Édith Piaf a chanté beaucoup de belles chansons dont certaines sont plus connues dans le monde que L’Hymne à l’amour, on aurait ainsi pu, avec bonheur, choisir à la place de celle-ci « La vie en rose » qui était un très joli message, une très jolie évocation d’un idéal pour la France et pour le monde, sans comporter les mêmes paroles troublantes pour qui ne les connaissait pas et qui les voit écrites sur son écran.
Une fois de plus, le diable est dans les détails. Mais lorsque l’on programme un évènement aussi important, qui prend tellement de mois à préparer et tellement de centaines de millions d’euros à dépenser, on regarde aussi les détails… Non ?