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2 août 2024

Henry War

2/8/2024 - Je ne comprends pas d’où l’on tient que la crise politique actuelle soit logique et légitime : elle n’est qu’artificiellement provoquée et entretenue. Il me manque peut-être des données pour en juger autrement, et je prie volontiers tous ceux qui peuvent me les apporter de contribuer à un peu plus de nuance dans mon analyse, si elle en manque.

Il faut un Premier ministre pour proposer le gouvernement, et notre Constitution prévoit au terme de l’article 8 que le Président de la République le nomme. Soit. Il y a eu des élections législatives ; or, il convient de vérifier qui a gagné ce scrutin, quel groupe. C’est sans nul doute ce qu’on appelle le Nouveau Front Populaire – je n’ai pas voté pour lui, mais c’est un fait et il faut le reconnaître. On peut prétendre comme M. Macron qu’aucun n’a remporté la majorité : mais quoi ? Le parti de M. Macron ne l’avait jamais obtenue non plus, et ça n’avait pas empêché la désignation d’un gouvernement issu presque exclusivement de ce parti. [...]

On dira peut-être : « Mais sans alliances, le pays est ingouvernable, pour deux raisons. La première, c’est qu’aucune majorité ne permettrait de voter les lois. La seconde, c’est que des motions de censure seraient votées et obligeraient sans cesse à changer le gouvernement. »

Ceci n’est ni pragmatique ni exact.

On n’a pas empêché jusque-là le gouvernement de M. Macron de faire passer quantité de lois – en vérité, les plus conséquentes –, même récemment, selon l’article 49.3. Or, affirmer que M. Macron y trouverait tout à coup des scrupules est d’une criante incohérence.

D’autre part, il est vrai que dans la mesure où l’on ne peut plus dissoudre l’Assemblée nationale avant une année, on risquerait fort de trouver que les députés n’ont plus la crainte de perdre leur emploi en réclamant la démission du gouvernement – c’est déjà signifier quelque chose de sinistre quant à l’intégrité de ces gens qui tiennent surtout à conserver le confort de leurs revenus et de leurs places : les voilà soudain devenus audacieux et hardis quand ils n’ont plus rien à perdre ! – ; mais c’est encore ignorer ou feindre d’ignorer qu’une motion de censure ne provoque que la démission du gouvernement, mais que le Président peut s’y opposer, qu’il n’est pas forcé de l’accepter, comme on l’a vu. Et il est clair que personne ne trouverait à redire à M. Macron s’il déclarait : « Dans la mesure où le peuple s’est prononcé et a laissé la majorité relative eu NFP, j’annonce d’emblée que je me prononcerai défavorablement à toute démission de gouvernement avant un an. Par conséquent, vous pouvez multiplier les motions de censure, ça ne changera rien. » Ce serait pertinent, propre et brave, et le peuple comprendrait une telle position.

Mais M. Macron a décidé qu’il en irait pour tous autres partis différemment de ce qu’il en a été pour le sien, et il dit : « Je n’accepterai un Premier ministre et un gouvernement qu’à condition qu’ils fussent représentatifs des votes extrêmement contradictoires des Français. » ! Mais cela ne s’est jamais organisé ainsi ni ne se peut faire dans un scrutin où trois listes se sont principalement réparti les députés. C’est donc volontairement qu’il a mis en œuvre un blocage, au point que même la Cour constitutionnelle, qui lui est largement gagnée, n’ose pas dire, parce que ce serait trop flagrant, que la situation est bien demeurée constitutionnelle : elle se contente désormais de se déclarer incompétente à… juger de constitutionnalité !

En revanche, ce qu’on sait d’évidence, c’est que toutes ces formes de « coalition » qu’on prétend lentement arranger ont un synonyme particulièrement éloquent dans notre vocabulaire et qu’on constate déjà : la corruption. Tous ces partis et députés négocient âprement leur place de la plus scabreuse des manières, quitte à changer de parti, à travestir leurs idées ou à gagner les faveurs du pouvoir : c’est bien le spectacle de prostitution infâme qu’a souhaité M. Macron, et manifestement ce à quoi il s’attendait, y étant rompu. Je ne veux pas ni ne sais formuler des hypothèses sur la raison de ce marasme organisé, je me contente de ne pas laisser admettre au citoyen qui n’a pas de courage, qui n’y connaît rien ou qui se fait persuader par des journalistes spécieux, qu’après le résultat des législatives un tel naufrage était nécessaire. Non, ce désordre navrant est un choix politique, pas le fruit d’un système institutionnel imparfait. Avec méthode et résolution, tout ceci eût été réglé sans difficulté ni polémique, il y a un mois. Où la France nage et se noie actuellement, et qui ressemble à s’y méprendre à l’eau boueuse de la Seine où barbotent parfois à regret nos athlètes olympiques, ce n’est pas le haut fleuve naturel et inné de la Nation, mais l’infection peut-être contagieuse issue de menées et de tripotages politiques dont, je l’avoue, l’opacité des fins a, même pour moi qui ne suis pas grand complotiste, quelque chose de particulièrement effroyable et terrible contre la démocratie.