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22 août 2024

Maxime Tandonnet

L’absence de gouvernement et le psychodrame sur la destitution du chef de l’État reflètent la déliquescence aggravée de la politique française (pour le Figaro Vox)

22/8/2024 - Le 16 juillet 2024, M. Gabriel Attal a présenté la démission de son gouvernement au chef de l’État, à la suite de la dissolution et des élections législatives perdues pour la majorité présidentielle. Plus d’un mois après, le 19 août, la France n’avait toujours pas de gouvernement.

Certes, sous la IVe République, la France pouvait rester un certain temps sans président du Conseil (Premier ministre) ni ministres. Ce fut le cas par exemple en octobre 1949 où pendant trois semaines, le président Auriol s’arrachait les cheveux à essayer de former un cabinet de coalition avant de faire appel au centriste Georges Bidault. Toutefois, à l’époque, cette situation semblait dramatique. Par le plus grand des paradoxes, alors que la Ve a été justement conçue pour mettre fin à ce genre de situation, l’absence prolongée de gouvernement, sans précédent sous le régime actuel, ne semble déranger personne. Le pays semble résigné, comme indifférent…

Cette absence en dit long, pourtant, sur le nihilisme dans lequel a sombré la vie publique nationale et sa transformation en grand spectacle dérisoire.

Les Jeux Olympiques sont terminés. Le suspens entretenu autour de la personnalité du futur Premier ministre est une manière d’occuper, quelques semaines supplémentaires, l’attention médiatique. Cette attente nourrit le rayonnement élyséen, en montrant un chef de l’État seul au sommet qui ne cède pas à la pression et se présente en maître des horloges. Le mythe de la toute-puissance élyséenne, exclusive de toute autre source d’autorité, atteint son paroxysme.

De fait, un gouvernement sert en principe à gouverner. Or, l’objectif essentiel de toute vie politique n’est plus de gouverner ou diriger mais de répandre des illusions, de faire croire à la réforme et à l’autorité, de paraître et de pavoiser. Dès lors, la France peut aisément se passer d’un gouvernement. Telle sera la grande leçon de l’histoire…

Cette période marque l’apothéose de la courtisanerie. Les contorsions de la classe politique pour placer un Premier ministre – qui ne disposera d’aucune marge de manœuvre dans le contexte d’une Assemblée nationale chaotique – sont révélatrices de l’obsession des prébendes qui domine les esprits. Même les plus réticents envers la présidence Macron depuis 2017 se dévoilent aujourd’hui comme prêts à faire allégeance… pour le fromage de Matignon.

Cette attente est probablement aussi révélatrice d’une hésitation sincère de l’occupant de l’Élysée. Son choix d’un Premier ministre, sans grand effet sur la politique du pays en l’absence de toute majorité possible, sera emblématique d’un penchant à droite ou à gauche ou celui de la continuité… Dissoudre une Assemblée nationale (briser) est beaucoup plus facile que fonder une solution politique (construire). Au fond ce dilemme est bien à l’image de notre époque plus prompte à « déconstruire » les personnes, la Nation ou l’Histoire, qu’à préparer fermement l’avenir.

La conférence des chefs de groupes politiques à l’Élysée, du 23 août, préalable à la désignation d’un gouvernement est dans la lignée d’une méthode d’exercice du pouvoir fondée sur des opérations de communication. Après le « Grand Débat », les « conventions citoyennes », « le jour d’après », le « Conseil national de la refondation », les « Cent jours », « l’Initiative d’ampleur », le « grand rendez-vous avec la Nation ». Cette nouvelle cérémonie à laquelle se prêtent volontiers tous les partis, permettra de leur faire porter le chapeau de l’inévitable chaos politique à venir. Quant au psychodrame de la France Insoumise et de la gauche autour de la destitution du chef de l’État, parfaitement illusoire comme chacun sait, il procède, lui aussi, de ce climat de pourrissement et de fuite dans la communication stérile.

Et pendant ce temps, derrière le paravent du circus politicus, les difficultés de la France continuent de s’accumuler – la crise de l’école, la dette publique, le chômage (5,4 millions de personnes) la pauvreté, la violence et l’insécurité, la maîtrise de l’immigration, le logement et l’hôpital. Les Français se sont mobilisés comme jamais lors de l’élection législative qui a battu des records de participation. Leur déception, à la hauteur de cette espérance, risque de favoriser l’écœurement, le découragement ou la révolte.

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