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13 septembre 2024

CONSIDÉRATIONS SUR LA DETTE DE L'ÉTAT ou C'EST BIEN UN ADIEU, PAS UN AU REVOIR

Gabriel Nerciat

13/9/2024 - Depuis l'époque maintenant lointaine d'Antoine Pinay, de Raymond Barre ou de Pierre Bérégovoy, à chaque fois que j'entends un ex-ministre ou Premier ministre en faire des tonnes sur le déficit et sur la dette (sur le mode "nous acceptons de ruiner l'avenir de nos enfants", etc.), je sais, avec un instinct aussi sûr que jamais démenti, que le type en question est un parfait tocard, et que sa carrière nationale n'ira jamais au-delà de Matignon ou de Bercy.
Le verdict est encore plus implacable lorsque l'ambitieux Père-la-Rigueur se réclame de la souveraineté de la France (neuf fois sur dix, il s'agit d'un européiste) ou du chantage à la banqueroute nationale (qui achève de démontrer qu'il s'agit bien d'un escroc).
Proposer aux Français comme seule ambition politique de réduire la dette ou le déficit budgétaire, surtout quand on a ardemment contribué à les creuser soi-même pendant sept ou dix ans, est une pure insanité pour au moins trois raisons.
1) Un État qui ne s'endette pas ne sert à rien, de même qu'une entreprise qui n'investit pas. La question n'est pas la dette en soi, mais ce qu'on en fait. Si c'est pour construire de splendides châteaux comme Louis XIV ou Louis II de Bavière, voire arracher la Franche-Comté à l'Espagne ou l'Alsace aux Impériaux, c'est très bien ; si c'est pour multiplier l'assistanat et les prébendes intéressées à des clientèles administratives et politiques ou instaurer un pernicieux despotisme sanitaire, c'est très mal.
2) Il est tout à fait dans l'ordre des choses que la sixième puissance économique du monde, où règne depuis longtemps une administration fiscale zélée et intransigeante appuyée sur une moyenne bourgeoisie rentière des plus serviles, s'endette : ses créanciers ne savent que trop bien qu'elle ne risque guère, malgré le piège de la zone euro et les iniquités de la mondialisation, de faire banqueroute comme l'Argentine ou la Grèce. Là encore, le vrai problème n'est pas de contracter des dettes, mais plutôt de savoir qui sont les créanciers (nationaux ou étrangers, particuliers ou institutionnels) auprès desquels l'État s'endette, et quel usage ils entendent faire des créances qu'ils détiennent.
3) On a compris depuis longtemps que tous les candidats qui promettent de réduire la dette et les déficits vont faire le contraire une fois parvenus au pouvoir. Macron fait d'autant moins exception qu'il a fréquenté le monde de la haute finance, et sait à quoi s'en tenir sur les dizaines de milliards d'euros que récoltent chaque année les banques d'affaires et les fonds d'investissement détenteurs de nos obligations du Trésor. C'est un peu la même opération qu'un psychanalyste qui vous promet de guérir vos névroses, ou une femme farouche qui suggère de se révéler plus facile après avoir entrevu vos bijoux de famille.
Tout cela pour dire que Bruno Le Maire a bien fait de convier 5000 personnes aux frais du contribuable, en sonnant le tocsin d'une République dispendieuse, pour leur faire ses adieux devant les caméras : quoi qu'en dise la pythonisse Michel Houellebecq, il est à craindre, ou à souhaiter, qu'on ne le revoie plus avant longtemps, même au salon de la littérature érotique aux côtés des excellentes Octavie Delvaux et Julie-Anne De Sée.