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24 octobre 2024

Le « suicide assisté » de la justice

Eric Vial

24/10/2024 – Je dois bien avouer que parmi mes connaissances, la juge Béatrice Brugère est l’une de celles qui m’impressionnent le plus. Vice-procureur de la République au Tribunal de Grande Instance de Paris, spécialisée dans les affaires de terrorisme, son intelligence est redoutable.
Je me suis toujours dit que je n’aimerais pas avoir affaire à elle. Cette femme solaire et chaleureuse dans le privé est capable dans le milieu professionnel de vous mettre en pièces en deux phrases.
Son livre « Justice : la colère qui monte » (Éditions de l'Observatoire) est à son image, dense, bien argumenté, étayé. Il est intraitable sur la situation de la justice en France : catastrophique.
Elle aborde sans far tous les sujets désormais tabous dans la sphère publique : les délais de jugement (637 jours en justice civile contre 237 jours en moyenne pour le reste de l’Europe), la non-exécution des peines de prison (41 % des condamnés à la prison ferme ne mettent pas les pieds en prison), la quasi impossibilité de gérer la situation des récidivistes (le taux de récidive est passé de 2,5 % à 11 % en 20 ans pour les crimes), une population carcérale surchargée et un manque de moyens dans les prisons, la « problématique des mineurs ».
Elle dénonce une « justice des riches contre une justice des pauvres », « une justice business pour la rendre plus productive », des directives européennes qui contrecarrent par exemple « le contrôle aux frontières pour lutter contre le terrorisme », les troubles qu’ont pu engendrer dans la société des décisions de justice comme dans l’affaire Sarah Halimi.
Mais surtout la secrétaire-générale du SNM-FO se questionne sur « l’indépendance des juges » et « la mainmise sur les carrières » de deux syndicats majoritaires, en révélant par exemple qu’en dehors de l’affaire du mur des cons dans lequel le Syndicat de la Magistrature (SM) a été plongée, il participe également aux tables rondes de la Fête de l’Humanité.
Béatrice Brugère exhaustive dans sa démonstration admet que la justice n’est pas prête face aux « nouveaux enjeux qui bousculent les valeurs » : le militantisme écologique, la transhumance, les valeurs de civilisation, les impacts de l’intelligence artificielle sur la probité des preuves. La juge antiterroriste rappelle aussi qu’une bonne partie des jeunes lycéens français (en l’étayant par des sondages de l’IFOP) considèrent que « les lois de l’islam sont au-dessus des lois de notre république » sans que cela n’interpelle davantage les édiles politiques.
En guise de conclusion, elle appelle à « un new-deal judiciaire ». Elle propose des réformes pertinentes qu’elle soumet aux lecteurs et aux législateurs, avant que tout l’édifice de la justice ne s’écroule.
Son but ? Que la justice « qui appartient aux citoyens », soit de nouveau véritablement rendue « au nom du peuple français ».