Gabriel Nerciat
- 25/11/2024 - Certains se demandent à quoi servent encore, en ce début de siècle, des chaînes de télévision d'État, pardon de service public.
Eh bien, depuis hier soir, ils ont reçu une première réponse : le service public audiovisuel français permet en toute quiétude à des universitaires, des plumitifs de gauche ou de banals délateurs titulaires d'une carte de presse de justifier – avec toute l'hypocrisie libérale nécessaire, et malgré la défense émérite de la journaliste Rachel Binhas présente sur le plateau – l'embastillement et la disqualification morale d'un écrivain de langue française précipité depuis quelques jours dans les geôles du régime d'Alger.
Je ne suis pas en ce qui me concerne un admirateur inconditionnel des livres de Boualem Sansal et des thèses qu'il y défend sur l'islam ou la religion, mais force est de reconnaître qu'il s'agit d'un auteur de talent qui n'a pas peur du danger, ni de mettre résolument les pieds dans des contrées mentales où la plupart des écrivains réputés progressistes ne s'aventurent pas.
D'ailleurs, à la limite, peu importe : même si Sansal était un romancier aussi arriviste, prétentieux et artificiel que son compatriote Kamel Daoud, cela ne justifierait pas qu'une chaîne de la télévision d'État consacre une heure pleine à lui cracher à la gueule alors même que ses proches et son avocat n'ont plus aucune nouvelle de lui.
Si Madame Ernotte et Madame Dati laissent cette crapulerie impunie, elles justifieront par leur complaisance et leur lâcheté la fin programmée des chaînes de télévision publique dans ce pays (puisqu'on veut faire des économies budgétaires d'ampleur, ma foi, allons-y).
J'use peu de ce genre d'emphase d'ordinaire, mais je dois dire que c'est la première fois hier que devant un écran de télévision dans mon propre pays, j'ai eu le sentiment de vivre ce que vivent les citoyens d'un régime dictatorial en écoutant la chaîne officielle du régime.
J'ai connu mieux, comme sensation.