H16
- 13/1/2025 - La vie est un éternel recommencement, et c’est vrai aussi pour l’État français, surtout si cela permet de cramer d’impressionnantes sommes d’argent gratuit du contribuable : après moult tergiversations, voilà que déboule la vérification poussée de l’âge pour l’accès aux sites pornographiques en France…
L’année 2025 marque donc, depuis deux jours (le samedi 11 janvier) la mise en place en France d’un contrôle de l’âge des individus lors de l’accès à des sites pornographiques, à la suite de discussions et d’atermoiements qui avaient occupé ces colonnes il y a quasiment deux ans, en février 2023. Ces nouvelles règles imposent donc que ces plateformes demandent une preuve de majorité aux internautes.
Il apparaît cependant – la surprise est modérée – que depuis, la plupart des sites concernés restent assez facilement accessibles, c’est-à-dire que l’obligation n’est tout simplement pas mise en place. Et lorsqu’on regarde en détail (au niveau règlementaire) de quoi il s’agit, on comprend un peu mieux pourquoi.
Anonymat double mais prise de tête unique
En effet, pour se conformer à ces nouvelles tubulures chromées, ces textes turgescents et ces décrets spasmodiquement poussés par une administration véritablement sous viagra législatif, les sites X doivent désormais exiger l’envoi d’une photo ou d’un document d’identité par exemple, en proposant au moins une méthode respectant le principe de « double anonymat » qui permet de prouver sa majorité sans divulguer son identité. Ce procédé de « double anonymat » avait été exigé par l’ARCOM le 11 octobre dernier en donnant trois mois aux sites pour se conformer.
Quant au principe du « double anonymat », l’idée est de passer par un intermédiaire de confiance : l’internaute s’enregistre auprès de cet intermédiaire qui peut mettre en place différentes mesures de vérification de l’âge (pièce d’identité ou empreinte bancaire typiquement). Cet intermédiaire, sur demande d’un prestataire de site de n’importe quelle nature, peut attester de la majorité de l’internaute. L’opération est menée en s’assurant que l’intermédiaire d’attestation ne sache pas à quoi sert l’attestation d’un côté, et de l’autre que le site visité n’ait pas de moyen de connaître effectivement les données de l’utilisateur (et son identité réelle).
Si, sur le plan purement technique, on sait très bien réaliser ce genre d’échange de preuve sans divulgation d’autres informations, on comprend néanmoins que l’opération est, de base, assez compliquée pour l’utilisateur moyen et surtout, extrêmement susceptible d’offrir des fuites volontaires ou non dans tous les sens, l’intermédiaire se retrouvant en effet (au moins pendant quelques minutes) en possession d’informations d’identité très sensibles et particulièrement tentantes pour des pirates et des usurpateurs d’identité. Et même si ces informations ne sont finalement pas stockées (seulement l’information de majorité), cela introduit assez clairement un « point unique de défaillance » lorsque l’intermédiaire d’attestation ne fonctionne pas comme il devrait.
Bien sûr, l’intermédiaire d’attestation sera totalement incorruptible. Garanti sur facture.
Mais au-delà de ces aspects techniques et légaux qui, parions-le, ne manqueront pas d’égayer la chronique dans les prochaines semaines à mesure que se mettront en place ces nouvelles usines à gaz sur l’internet français (avait-il besoin de ces lourdeurs supplémentaires en plus des clickodromes RGPD et du reste ?), rappelons que ces bricolages dispendieux ne serviront absolument à rien.
Le contournement sera trivial
Pour commencer, il va de soi que les contournements seront nombreux et aisés : d’une part, les prestataires de ces sites ont un intérêt économique bien compris à ce que leur public continue d’accéder à leur contenu, leurs revenus publicitaires en dépendant directement. On peut donc imaginer que la mise en place sera lente et peu efficace.
D’autre part, cette obligation légale est cantonnée à la France, ce qui signifie qu’accéder à un site depuis un autre pays rend l’obligation caduque. Or, avec l’utilisation d’un VPN, la chose est parfaitement triviale. Notons au passage qu’en multipliant les emmerdements pour accéder à certains sites d’information (certaines chaînes de télé, certains sites étrangers, typiquement), le gouvernement français a clairement favorisé l’usage de ces VPN qui n’auront bientôt plus de secret pour personne. Certains navigateurs offrent même des VPN intégrés qui limitent l’intervention de l’internaute à sa plus simple expression.
Enfin, signalons qu’il existe, pour ce genre de contenu comme pour absolument tous les autres, des alternatives faciles d’accès, absolument pas contrôlées légalement, et que les jeunes pas encore majeurs n’ont aucun de mal à utiliser couramment.
Bref, ces interdictions et ces obligations seront trivialement contournées et cette idée sera un échec cuisant, d’autant plus qu’elle a déjà été tentée précédemment en 2017 au Royaume-Uni qui fanfaronnait qu’on allait enfin obliger les sites pornos à vérifier l’âge des visiteurs, grâce à un procédé qui, mis en place en mai 2019, fut abandonné six mois plus tard dans un petit prout humide, sans qu’aucun rapport ni retour d’expérience ne fut dressé.
Une solution technique à un problème social
Mais au-delà de ces aspects techniques qui garantissent en eux-mêmes que cette énième tentative de contrôle moral va foirer lamentablement et aux frais du contribuable, rappelons que résoudre ce problème social par un moyen purement technique est voué à l’échec. En substance, tout part du constat que les enfants sont livrés à eux-mêmes sur internet, et qu’il faut absolument penser aux enfants, voyons. Il faut !
Car oui, il faut penser aux enfants, mais surtout pas aux parents car ces derniers sont majeurs et dotés du droit de vote. On devra donc les ménager et ne surtout pas leur rappeler leur rôle, le nécessaire besoin d’autorité parentale, celle qui impose justement des limites aux enfants, à commencer par leur consommation de contenus électroniques (quantité et qualité).
De tout cela il n’est absolument pas question : ces enfants existent dans une sphère différente de celle de leurs parents, et si les derniers existent dans la sphère des taxables, les premiers, devenus pupilles de l’administration, s’agitent dans celle des limitables par une entité extérieure, éventuellement au moyen de technologies plus ou moins foireuses, de règles et de lois mal boutiquées et de bureaucraties toujours plus envahissantes.
Enfin, on consacre à ce sujet des moyens bien trop importants alors que d’autres problématiques sont à la fois plus importantes, et les demandes de solutions bien plus explicites de la part des Français : pouvoir d’achat, finances et économie du pays, sécurité et immigration, autant de sujets qui rappellent durement que l’administration a déjà trop à faire pour s’occuper en plus du slip des ados.