Jean-Claude Delhez
- 10/3/2025 - Depuis 3 ans, le pouvoir politico-médiatique nous répète que la Russie ambitionne d'envahir d'autres pays que l'Ukraine. Certains prétendent même qu'elle veut engloutir l'Europe entière. Beaucoup désignent nommément, aujourd'hui encore, les futures victimes de l'impérialisme russe. Le pays le plus souvent cité ? La Moldavie.
La Moldavie est une petite république coincée entre l'Ukraine et la Roumanie, proche de la mer Noire. La voie directe pour l'atteindre, à partir du front russe, passe par les villes ukrainiennes de Kherson et d'Odessa. Je voudrais, à ce sujet, vous rappeler un événement qui s'est déroulé le 19 octobre 2022, à Kherson justement.
Quand la Russie envahit l'Ukraine, fin février 2022, son armée occupe en quelques jours toute la rive sud du Dniepr, jusqu'à la centrale nucléaire de Zaporija et au barrage hydroélectrique de Khakovka. Elle s'empare également de la ville de Kherson, capitale de province, ainsi que de la campagne qui l'entoure, située de l'autre côté du Dniepr. Puis le front se stabilise. Aujourd'hui encore, il longe le cours du Dniepr sur plusieurs centaines de kilomètres.
Mais, pendant quelques mois, la Russie a disposé de ce que les militaires nomment une tête de pont. Une tête de pont c'est une poche de terrain, de territoire, située au-delà d'un fleuve. C'est une position qui a son importance. En effet, un fleuve est un obstacle. C'est une large tranchée remplie d'eau. Une position défensive idéale. Qui tenterait de le franchir sous le feu de l'ennemi risquerait de subir de lourdes pertes. Par contre, s'il dispose d'une tête de pont sur l'autre rive, il peut attaquer sans avoir à franchir le fleuve.
Deux exemples historiques. En 1944, les Britanniques lancent une offensive contre les Allemands dans les Pays-Bas. Pour s'assurer la possession des ponts sur la Meuse et le Rhin, ils parachutent plusieurs divisions derrière les lignes allemandes. Ils bénéficient ainsi d'une tête de pont à Arnhem. Les Allemands doivent mobiliser plusieurs divisions pour les en repousser et reprendre le contrôle du fleuve. En mai 1940, envahissant la France, l'armée allemande vient longer le cours de la Somme. Elle en profite pour s'emparer de plusieurs têtes de pont au sud du fleuve (Péronne, Amiens...). Dès lors, lorsqu'elle lance son offensive finale, en juin, l'attaque démarre de ces têtes de pont afin de conduire la France à cesser le combat quelques semaines plus tard.
Et donc, en mars 2022, la Russie s'était ménagé une tête de pont au-delà du Dniepr, à hauteur de Kherson. A partir de cette tête de pont, l'armée russe aurait pu attaquer en direction de la grande ville d'Odessa, peuplée partiellement de russophones. Et au-delà d'Odessa, voici la frontière moldave. Or, sept mois plus tard, l'armée russe évacue toute la tête de pont de Kherson, repasse le Dniepr et fait sauter les ponts. Elle s'installe en défensive sur la rive sud du Dniepr, position qu'elle occupe toujours actuellement.
N'importe quel officier vous dira qu'une armée qui prend ses quartiers le long d'un fleuve se met en position défensive et témoigne d'une volonté de ne pas aller au-delà. Le même officier vous dira que c'est encore plus flagrant lorsqu'elle abandonne une tête de pont. La tête de pont, c'était le tremplin pour lancer une offensive. L'abandonner c'est refuser d'aller plus loin. C'est aussi se barricader derrière un fleuve pour tenir le terrain conquis.
Ainsi donc, depuis deux ans et demi, l'armée russe s'est mise en position de ne menacer ni le sud de l'Ukraine, ni la Moldavie, ni la Roumanie et encore moins les pays situés plus à l'ouest. Continuer de prétendre, depuis lors, que la Russie ambitionne d'envahir la Moldavie ou d'autres Etats est un mensonge de plus dans la déferlante de la propagande européenne.