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6 mars 2025

LES MARCHANDS DE PEUR

Jean-Claude Delhez

- 6/3/2025 - Il faut réarmer. On vous le répète. À nous les centaines de milliards d'euros tombés du ciel pour commander chars, missiles et avions. À nous l'économie de guerre. Stockez des pâtes, donnez vos métaux qu'on puisse couler des canons. Car l'Europe est toute nue. C'est la panique dans les casernes et les ministères. On brûle les secrets d'État et on fait chauffer les moteurs d'avions pour fuir avant l'invasion. On se croirait, le côté délirant en plus, revenu 50 ans en arrière : Le camarade Leonid Brejnev, tout droit sorti du plenum du Soviet suprême, va envoyer les divisions mécanisées du pacte de Varsovie, par la trouée de Fulda, planter sur la Tour Eiffel le drapeau du communisme triomphant !
Si je peux me permettre un conseil à tous ces gens du pouvoir : 1) Arrêter les drogues. 2) Consulter un psychanalyste.
Vous noterez que ce n'est même pas le conflit ukrainien qui est à l'origine de cette hystérie, mais la nouvelle orientation politique américaine, depuis Trump. « L'oncle Sam m'abandonne, que vais-je devenir ? » Eh bien, être adulte, par exemple, voir la réalité en face.
La peur est l'émotion la plus facile à faire naître chez l'individu. Dans un combat, quand la peur s'empare des soldats au front, ils vont se lever et fuir vers l'arrière. Ce faisant, ils offrent une cible idéale à l'adversaire et subissent des pertes considérables. Il fallait rester sur place, c'était le meilleur choix pour rester en vie. Mais la peur court-circuite la raison et commande à sa place. De la même manière, il est aisé de manipuler les populations par la peur.
Un exemple bien connu : la guerre du Golfe (2003). On vous a prétendu à l'époque que Saddam Hussein menaçait la paix mondiale, qu'il développait un programme d'armes chimiques et biologiques de destruction massive et même qu'il avait des liens avec les barbus. On se souvient du général Colin Powell agitant son flacon de poudre devant l'assemblée de l'ONU en prétendant qu'il s'agissait d'une arme chimique irakienne. Les troupes de Saddam avaient été présentées par le pouvoir médiatico-politique comme la 5e armée du monde. Aujourd'hui, les cendres des moustachus basanés de la garde républicaine fertilisent les sables du Chatt al-Arab.
Les politiciens manipulent les foules par la peur. Ils les manipulent aussi dans l'intérêt de leur propre pouvoir. Pour le garder, pour le renforcer, pour se rendre important, indispensable. Autre exemple : 1982. L'Argentine est dirigée par une junte militaire brutale, celle qui fait disparaître les opposants politiques (que réclament les tristement célèbres mères de la place de Mai, à Buenos Aires). Mais les jours de la junte sont comptés, le peuple ne la supportera plus longtemps. Elle le sait. La sagesse populaire vient à son secours. C'est elle qui assure qu'on ne change pas d'attelage au milieu du gué. C'est-à-dire qu'un pouvoir en place est conforté par un défi, par une guerre. Et donc, pour se maintenir, la junte ordonne à l'armée argentine d'envahir les îles Malouines. Ce qui provoque une guerre avec Londres. Une guerre, c'est l'occasion de faire vibrer le sentiment national, de rassembler la population derrière ses chefs en lui désignant un ennemi extérieur, de faire oublier tout ce qui ne va pas dans un pays. C'est bon pour la dictature militaire argentine. Un temps, du moins. Car elle finit par perdre la guerre, et le régime des généraux ne lui survivra pas de beaucoup.
Bon, allez, c'est pas tout ça, mais j'ai encore une tranchée à terminer et deux canons à repeindre... Je t'attends de pied ferme, Leonid Brejnev !