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3 mars 2025

LES RUSES DE LA VIE

Gabriel Nerciat

C'est bête et mal foutu, la vie, n'est-ce pas ?
On est amoureux d'une fille quand elle ne veut pas de vous, et puis quand elle commence à vous trouver quelque attrait, c'est vous soudain qui êtes lassé de la convoiter.
Le frère cadet de ma grand-mère, lui, me racontait que, jeune homme à la fin de la guerre de 14, il détestait viscéralement le cinéma muet.
Et puis, un jour, à Marseille, un ami l'a emmené voir Les Lumières de la ville, qui l'a tellement bouleversé qu'il a vu le film trois ou quatre fois d'affilée, mais c'était trop tard. Le cinématographe était devenu parlant, et on ne diffusait plus en salles les vieux films de Charlot (eh oui, jeune internaute, sache qu'au début des années 1930, Youtube et les DVD n'existaient pas encore ; tu te rends compte de l'état de barbarie ?).
Nos amis européistes, c'est un peu la même chose.
Pendant des décennies, ils nous disaient : "La construction européenne, c'est la paix. Vous, les souverainistes, vous n'aimez que la guerre et voir le sang couler. Même Mitterrand le dit."
Maintenant, ils nous disent : "Notre devoir est de combattre la Russie. Vous, les souverainistes, vous êtes des lâches et des sales pacifistes. Vous ne voulez pas aller faire la guerre à Poutine pour sauver notre soeur l'Ukraine. Même Macron le dit."
Pendant des décennies, ils ont adulé les Etats-Unis - souvent sans rien connaître du pays à part les images d'Epinal sur Martin Luther King, le débarquement de Normandie, les joueurs de jazz de la Nouvelle-Orléans et l'assassinat d'Abraham Lincoln travesti en champion international de l'antiracisme et de l'égalité universelle entre les hommes.
Ils nous disaient : "Vous êtes des anti-américains primaires, des gens haineux, des complices de Staline. Si les Ricains étaient pas là, on serait tous en Germanie et vous seriez trop contents."
Maintenant ils nous disent : "Vous êtes vendus à Trump et à l'Oncle Sam. L'Amérique, c'est le Klu Klux Klan, la musique country pourrie, la ploutocratie mafieuse, les westerns fascistes de John Wayne et le génocide des Indiens. Un pays pour vous, en fait. Pourquoi vous n'y allez pas ?"
La vie est mal foutue, mais c'est ainsi.
C'est elle souvent qui nous trahit, bien plus que nous ne trahissons ce que nous attendions d'elle.
Peu importe. Quand la petite fleuriste parvient à voir Charlot, elle n'est pas déçue, bien que ce soit un vagabond.
Comme elle, les européistes ont recouvré la vue, mais le roi adulé qu'ils découvrent maintenant en pleine lumière leur a mis d'emblée, souverainement, son poing dans la gueule.
Ils n'ont pas fini de maudire le soleil sous les feux duquel ils aimaient tant se prélasser. 3/3/2025