Jean-Claude Delhez
IL AVAIT SOIF
Je me suis fait un copain. Lui, là, sur la photo. Samedi, on tombe nez à nez sur un palier d'escaliers extérieurs. Comme tous les animaux sauvages, le lézard n'a pas confiance en l'homme. Dès qu'il en rencontre un de cette espèce, soit il s'immobilise, en attendant la suite, soit il fuit et va se cacher. Et donc, samedi, une journée faisant suite à plusieurs semaines sans pluie, non seulement l'animal ne fuit pas, mais il se retourne, descend deux marches et vient vers moi. Il s'approche à mes pieds jusqu'à une grille qui recouvre une canalisation censée évacuer de l'eau. Et il se met à fourrer sa gueule dans les trous de la grille, comme s'il voulait passer au travers. Au risque d'aller se noyer. Il fait ça à plusieurs reprises, juste devant moi. Je pars alors moins d'une minute et je reviens avec une bouteille d'eau. J'en verse sur le sol, à côté de lui. Il y pousse la tête et sort la langue à plusieurs reprises.
Ce lézard vit à cet endroit. Il sait qu'il y a une grille avec de l'eau en-dessous. Il sait aussi qu'il est trop gros pour passer par les trous et aller y boire. Mais le voilà qui en fait la démonstration juste devant moi. Comme s'il s'était dit : « Ce gars-là ne m'a pas l'air totalement idiot. Je vais essayer de lui faire comprendre que j'ai soif ; et peut-être qu'il soulèvera la grille. Parce que moi, avec mes petites pattes, je n'y arrive pas. »