Translate

24 avril 2025

L'ENTRÉE DU PAPE BERGOGLIO AU PARADIS

Gabriel Nerciat

-24/4/2025- Cette nuit, vers quatre heures du matin, je me suis retrouvé à la porte du Paradis.
Il y avait beaucoup de monde, pire qu’au métro Châtelet à 17h30, car le défunt pape Bergoglio s’apprêtait à franchir le seuil de la Jérusalem céleste.
Et il n’était pas seul.
Une foule considérable, digne du tableau de James Ensor, formait comme un long cortège escorté par les anges afin de le porter en triomphe jusqu’au cœur du saint lieu.
De loin, j’ai aperçu saint Pierre, qui avait du mal à garder ses clefs dans les mains, et se trouvait légèrement bousculé. « Tu ne parles qu’en latin, lui disait rudement Bergoglio, et tu me gênes. Laisse-moi passer, tes clefs n’ont plus aucun pouvoir ; d’ailleurs j’ai renié le Christ plus souvent que toi. Les coqs, moi, je les préfère au vin. Apprends l’anglais et l’espagnol si tu veux qu’on cause. »
Autour de lui, c’était du délire.
Des centaines de milliers de migrants africains qui avaient péri en mer, des dizaines de milliers de travestis de toutes générations et toutes nationalités, des toxicomanes morts dans la fleur de l’âge, parfois accompagnés de leurs dealers, des tueurs à gages étroitement surveillés par Al Capone et Lucky Luciano, de beaux gigolos argentins aussi blancs que Rudolph Valentino portant sur leurs dos leurs vieilles clientes fardées, des syndicalistes CGT bouffeurs de curés non loin d’Edmond Maire entré en pâmoison, Jack l’Eventreur entouré de prostituées sans têtes ou sans viscères, le chef indien Geronimo avec ses plumes brandissant le scalp du général Lee, le vieux René Dumont qui réclamait en vain un verre d’eau, John Lennon qui arborait une guitare mais ne savait plus jouer, Larry Flynt dont le fauteuil roulant était poussé par de plantureuses actrices pornographiques tatouées des pieds jusqu’à la tête et qui se masturbait machinalement, le philosophe opéraïste Toni Negri qui marchait résolument en parlant des multitudes aux côtés de Louis Althusser et de sa femme sans cou, le marquis de Sade qui hurlait que le Saint Esprit avait sodomisé la sainte Vierge, le président Amin Dada qui riait à tue-tête sur le dos d’un crocodile tenant dans ses mâchoires les restes d’un moine dominicain, des soldats républicains irlandais de l’IRA munis de kalachnikovs, Huey Newton entouré de ses gardes prétoriens des Black Panthers, Jacques Mesrine avec ses flingues tout près de Carlos avec ses bombes ; tout ce beau monde, donc, venait accueillir en liesse le premier pape mondialiste et anti-romain de l’histoire de la catholicité.
Bergoglio était triomphant et euphorique : « Nous sommes tous les enfants de Dieu, disait-il. Qui suis-je pour vous juger ? Le Ciel est à nous, maintenant, seulement à nous. Dieu nous le doit. Ne jugez pas, vous non plus, mais brûlez sans pitié tous ceux qui se croient autorisés à vous juger. Même saint Paul et saint Jean-Baptiste, si c’est nécessaire. »
Un peu intimidé, j’ai quand même voulu les suivre pour voir ce qui allait se passer. Mais un ange aussi immense et costaud qu’un joueur de rugby m’a retenu sur le seuil : « Toi, tu ne peux pas entrer, et tu sais très bien pourquoi, m’a-t-il lancé. Le moment venu, on réinventera l’Enfer rien que pour tu puisses y aller. »
À côté de moi, il n’y avait plus personne, sauf un pauvre pasteur mennonite du Missouri qui se tenait maladroitement sur un nuage : « Ils ne m’ont pas laissé entrer moi non plus, m’a-t-il dit. J’ai refusé de payer l’impôt du culte, et le pape m’a accusé de concurrence déloyale. »
Au loin, on entendait saint Pierre qui intimait l’ordre à Al Capone de lui rendre ses clefs, mais c’est à ce moment-là que je me suis réveillé en sueur dans mon lit.
J’avais un peu soif, et je me suis levé pour aller boire un verre d’eau qui n’était pas bénite.